EN CRÉATION

La Grande Guerre 1914-1918

C'est à la frontière de l'Est que la mobilisation trouve le 12e régiment d'artillerie. Dès le mois d'octobre 1913 le 1er groupe avait, en effet, quitté Vincennes pour Bruyères.

Les deux autres groupes avaient suivi en avril 1914 et le régiment constituait, depuis, l'artillerie de la 43e division.

A la fin de juillet 1914, l'état-major du régiment et les deux premiers groupes tiennent garnison à Bruyères; le 3e groupe est à Saint-Dié où se trouve le siège de la division.

Pendant les quatre mois qui précèdent la guerre les batteries ont beaucoup travaillé. La liaison avec l'infanterie s'est établie et affirmée au cours de nombreuses manœuvres dans les différents secteurs des Vosges. Le terrain est parfaitement connu, et lorsque le 31 juillet- l'ordre est donné de prendre les dispositions de couverture, toutes les opérations prévues s'exécutent avec la plus grande précision.

Jusqu'au 11 août les batteries remplissent leur rôle de couverture.

Le 12, le 21e corps commence son offensive vers le nord-est et le 12e franchit la frontière au col de Saales, derrière la brigade de chasseurs (86e brigade).

L'enthousiasme des troupes, qui, pour la première fois, foulent le sol d'Alsace, est admirable et la résistance que l'ennemi nous oppose le 14 août sur la position fortifiée de Saint Blaise est brisée en quelques heures.

C'est à Saint-Biaise que les batteries sont pour la première fois soumises au feu de l'ennemi. Celui-ci occupe des positions soigneusement préparées. Son tir très précis nous inflige des pertes sensibles, surtout au 3e groupe (9 tués et 33 blessés dont 2 officiers, le commandant Gille et le capitaine Vautravers).

L'attitude des canonniers est magnifique. Le maréchal des logis Muller, de la 7e batterie, a les deux jambes emportées, son canon est démoli, ses servants sont tués ou blessés. Il les encourage encore et ne permet qu'on s'occupe de lui que lorsqu'ils sont tous enlevés et abrités. Ce magnifique soldat ne survit pas à ses blessures. Il meurt deux jours plus tard des suites de sa double amputation après avoir été fait chevalier de la Légion d'honneur.

C'est aussi à Saint-Biaise que se révèle pour la première fois aux yeux des artilleurs du 12e la puissance du matériel de 75.

Les trois groupes du régiment sont engagés contre une artillerie invisible qui les gêne beaucoup. Une seule batterie d'un autre corps réussit à occuper une position de crête d'où elle a des vues magnifiques et une action d'écharpe; en quelques instants l'artillerie ennemie est dominée, obusiers et canons de campagne se taisent, puis les artilleurs ennemis abandonnent la lutte et essaient de retirer leur matériel, mais à chaque mouvement d'avant-trains ils sont cloués au sol par quelques rafales ajustées de la batterie de 75.

Le lendemain le spectacle est terrifiant autour des batteries :

c'est un véritable carnage; tandis que sur les chemins d'accès les chevaux morts, les voitures culbutées attestent la formidable puissance de notre matériel.

L'avance par la vallée de la Bruche se continue jusqu'à Schirmeck, d'où la 43e division oblique nettement au nord, franchit le Donon et arrive dans la haute vallée de la Sarre pour prendre part à la grande bataille que livre la Ire armée dans la région de Sarrebourg.

La bataille dure trois jours, les 19, 20 et 21 août. Malgré l'héroïsme de tous, c'est la retraite et, dans l'après-midi du 21, les artilleurs du 12e, la rage au cœur, repassent la frontière au nord de Cirey.

La retraite s'effectue d'ailleurs sans hâte et avec le plus grand ordre. Un premier arrêt est marqué à l'est de la Meurthe, le 24 août, sur la ligne Baccarat-Pexonne, et l'ennemi doit s'engager à fond pour nous contraindre à reculer. Là encore les batteries du 12e firent vaillamment leur devoir ! Écrasées par une artillerie ennemie bien supérieure, elles restent jusqu'au dernier moment sur leur position, tirant à vue sur l'ennemi, sauvant leur matériel par des prodiges d'héroïsme, mais tenant toujours et jusqu'au bout l'appui qui permet à l'infanterie de se dégager.

Les pertes sont lourdes pour ces journées du 23 au 25 août : 30 tués, dont 4 officiers, et de très nombreux blessés. De plus, 13 canons sont restés aux mains de l'ennemi. Mais, pour sauver les autres, que d'actes d'héroïsme sont accomplis qui mériteraient d'être cités.

Le 24 août, c'est le canonnier Charoloit, de la lre batterie, qui, par trois fois, amène un avant-train près de sa pièce qui, chaque fois, a ses chevaux tués sous lui et qui tombe enfin mortellement frappé à sa troisième tentative.

Le 25 août, c'est le maître pointeur Renault, de la 9e batterie, qui reste le dernier sur la position, accroche sa pièce à un avant-train dont le conducteur a été désarçonné, saute ensuite à cheval et ramène son canon à travers bois sous un terrible bombardement.

Ces sacrifices ne sont pas vains. A partir du 26 août l'offensive ennemie est enrayée et le 21e corps contre-attaque en direction de Baccarat.

Le 5 septembre, après deux jours de repos pendant lesquels le régiment a été reconstitué à trois groupes de deux batteries, embarquement de la division, dans la région d'Épinal, pour une destination inconnue.

LA MARNE

Le 6 septembre, le régiment débarque dans la région de Wassy (Haute-Marne). Le 21e corps est alors rattaché à la IVe armée qui entreprend une offensive générale vers Vitry-le-François. Sitôt débarqué le 12e est dirigé, par une marche forcée de trente-six heures, sur le camp de Mailly et, le 9, entre dans la bataille.

Les journées passées au camp de Mailly sont très dures. La chaleur est étouffante. Les ravitaillements sont précaires et les ressources locales insuffisantes; le manque d'eau est particulièrement pénible et hommes et chevaux en souffrent beaucoup.

Le 10, la bataille est très vive. Plusieurs colonnes ennemies qui battent en retraite tombent sous le feu de nos batteries, mais celles-ci sont également prises à partie très rudement et la 9e batterie éprouve en quelques instants, au signal de Sompuis, des pertes très sérieuses. Le personnel d'une section est mis hors de combat : un sous-officier tué.

Le 11, l'ennemi est en pleine retraite : pertes et fatigues sont oubliées et c'est dans le plus grand enthousiasme que commence la poursuite.

La Marne est franchie à Mairy et la 43e division arrive devant Suippes le 13 septembre. Là l'ennemi s'est arrêté et nous tient tête sur des positions organisées. Après avoir enlevé Suippes et le village de Souain, notre infanterie s'épuise en vains efforts pour déboucher au nord vers Sommepy.

La stabilisation commence après plusieurs tentatives qui ne modifient pas sensiblement la situation des deux adversaires. La division est retirée et, le 3 octobre, le 12e s'embarque à Saint-Hilaire-au-Temple, à destination du Nord.

Quelques jours auparavant le colonel Cheminon, ayant été appelé au commandement d'une brigade, était remplacé à la tête du 12e par le lieutenant-colonel Le Rond.

L'ARTOIS

C'est la course à la mer qui commence. La 43e division débarque dans la région de Saint-Pol, les 4 et 5 octobre. Elle est immédiatement engagée sur les villages de Carency et d'Ablain-Saint-Nazaire. A sa gauche la 13e division, qui a pu débarquer beaucoup plus au nord, est engagée sur le front Lens-Liévin et la liaison se fait sur la colline célèbre de Notre-Dame-de-Lorette. Notre infanterie peut entrer dans Carency, mais tous ses efforts échouent devant Ablain-SaintNazaire.

Le grand village, profond 'de 2 kilomètres environ, est remarquablement organisé. Les maisons sont crénelées, les haies et clôtures ont été organisées. Les batteries sont dissimulées dans le village même, absolument introuvables; enfin une quantité de mitrailleuses flanquent les abords et ne se révèlent qu'au moment des attaques.

Malgré l'intervention des mortiers de 220, malgré l'utilisation des pièces et- des sections poussées au plus près de nos éléments avancés à quelques centaines de mètres des lisières du village, nos tentatives répétées ne nous permettent que d'enlever les premières maisons.

Jusqu'au 30 octobre le 12e reste devant Ablain-Saint-Nazaire; pendant cette période, sous l'énergique direction du colonel Le Rond, la liaison entre artillerie et infanterie, l'organisation de l'observation à grande distance ont été soigneusement étudiées et appliquées. Pour permettre le tir précis que nécessitait l'attaque d'un village organisé, les P. 0. des batteries ont été poussés jusqu'auprès des commandants de compagnie de première ligne. Les ressources téléphoniques des bataillons et des groupes ont été mises en commun pour pouvoir obtenir des résultats, et une solide amitié, à base de confiance et d'estime réciproque, s'est établie entre fantassins et artilleurs de la 43e division.

LA BELGIQUE

Le 1er novembre 1914, le régiment part par alerte dans la direction du Nord, il arrive le 3 à Reninghelst, en Belgique, où il est rejoint par une nouvelle batterie constituée au moyen d'éléments prélevés sur les sections de munitions du parc de corps d'armée. Cette batterie prend le n° 2, et le régiment se trouve dès lors constitué à sept batteries portant les nos 1, 2, 4, 6, 7, 8, 9.

Du 3 au 10 novembre le 12e est engagé en avant du mont Kemmel sur lequel l'ennemi s'acharne avec une extrême violence. Le 5 novembre, la 2e batterie, qui n'a que quelques jours d'existence, conquiert brillamment ses premiers lauriers.

Une section (lieutenant Bouzereau) a été avancée au plus près de l'ennemi. De 10 heures à 17 heures, l'ennemi déclenche une violente préparation d'artillerie qui inflige des pertes sévères à la section. Puis l'attaque se produit et commence par gagner du terrain, si bien que, pendant trois heures, la section se trouve en avant de nos éléments les plus avancés, entre les lignes, couvrant l'ennemi de projectiles et contribuant largement à rétablir la situation.

Les 11 et 12 novembre, les batteries se rapprochent d'Ypres et interviennent avec beaucoup d'à-propos dans la grande bataille que livre l'armée anglaise. A Voormezeele, en particulier, la 2e batterie est engagée dans des conditions très brillantes, ouvrant le feu à vue sur des éléments d'infanterie ennemie qui progressent à découvert.

Le séjour en Belgique se poursuit jusqu'au 6 décembre. C'est -une des périodes les plus pénibles de la guerre. Les mouvements sont très difficiles, les routes sont défoncées, leurs bas côtés absolument impraticables, et pourtant les changements de positions sont très fréquents et les consommations élevées de munitions provoquent de gros ravitaillements.

Pas d'abris ni aux batteries, ni aux échelons, et pourtant les nuits sont glaciales, hommes et chevaux souffrent beaucoup de ces conditions pénibles dans les différents secteurs qu'occupe le régiment : Voormezeele, Dickebusch, Westhoek, Zonnebecke. Les pertes sont : 3 sous-officiers, 14 brigadiers et canonniers tués. Blessés : 2 officiers.

Mais il faut ajouter que si la campagne du 12e en Belgique est particulièrement dure, elle n'en est pas moins glorieuse.

A Kemmel, comme à Voormezeele et à Dickebusch, chacun a l'impression très nette que c'est l'intervention judicieuse et opportune de nos batteries qui fixe l'ennemi et l'arrête dans sa progression. Les fatigues ont été exceptionnelles, mais chaque fois les batteries sont arrivées à temps là où leur action était nécessaire.

Les huit jours de repos qui sont alors accordés au régiment, les premiers depuis le début de la campagne, sont les bienvenus.

NOTRE-DAME-DE-LORETTE

Et de nouveau le 12e revient dans le secteur de Lorette. Pendant un an l'horizon des batteries sera barré par la colline désormais célèbre.

Dernier contrefort des collines de l'Artois, la hauteur de Lorette domine toute la plaine de Lenset de Liévin et constitue un observatoire merveilleux. Son sommet, marqué par la chapelle, était alors très disputé et passait alternativement aux mains de chacun des adversaires.

Au pied de la colline et au sud, Ablain-Saint-Nazaire, puissamment organisé, était aux mains de l'ennemi. A l'est, la vallée de la Souchez sépare la colline des hauteurs de Givenchy et Vimy qui constituaient le dernier obstacle avant la plaine de Lens, et le village de Souchez, sur la grande route de Béthune à Arras, était le réduit de tout le secteur; au nord nous avions conquis le village et le château de Noulette, tous deux en ruines, mais l'ennemi occupait le bois carré, à cheval sur la route de Béthune qui nous barrait l'accès de Souchez par le nord.

La région, moyennement accidentée, est favorable à l'installation des batteries, surtout au sud de la colline où le terrain boisé rend facile la recherche des positions défilées. Au nord, les bois sont plus rares ; c'est la région minière, les batteries doivent rechercher le défilement dans les cités ouvrières ou bien s'installer à découvert sur les longues croupes dénudées à très faible pente, en utilisant les nombreux talus qui les jalonnent.

Une première attaque est tentée par la 77e division dont le but est de déborder Lorette et Carency par le sud et d'atteindre la route d'Arras. Le 12e appuie cette attaque qui se déclenche le 27 décembre sans donner les résultats attendus.

Les batteries sont sous bois dans la région de Mont-Saint-Éloi.

Elles sont séparées des premières lignes par une sorte de cuvette où l'organisation des communications est extrêmement difficile. Pendant un mois il faut lutter tous les jours contre la boue qui inonde les boyaux, envahit les plateformes, rend les liaisons précaires et difficiles à entretenir.

A la fin de janvier, le 12e rejoint la 43e division qui est un peu plus au nord et dont le secteur est constitué par l'éperon de Lorette lui-même.

C'est l'époque des coups de main tant français que boches sur la colline et ses abords. Chacun des deux adversaires voudrait s'assurer les observatoires du sommet, mais la colline est aussi âprement défendue qu'elle est ardemment convoitée et les moindres avantages ne sont acquis qu'au prix des plus grands sacrifices.

Le 15 mars, le bataillon Dupont, du 158e R. I., enlève le grand Éperon au cours d'une attaque magnifique appuyée par les batteries du 12e.

Le grand Éperon portera désormais le nom d'Éperon du 158e.

Pourtant une action de grande envergure se prépare. II s'agit de rompre l'ennemi sur tout le front de la Xe armée; l'attaque, qui a lieu le 9 mai 1915, est d'abord couronnée de succès, mais l'ennemi a le temps de se ressaisir et les nombreuses opérations qui se succèdent en mai, juin et juillet, ne modifient pas sensiblement la situation tout en coûtant très cher.C'est une période extrêmement dure, l'ennemi résiste avec une énergie farouche. Il faut plus de cinq semaines d'attaques pour arriver à le déloger du bois carré, et surtout du fond de Buval dont nous ne restons définitivement les maîtres que le 19 juin, après une série d'efforts formidables. Les pertes, pendant toutes ces attaques, ont été très lourdes.

La colline de Lorette se transforme chaque jour en un immense cimetière où tous les corps et toutes les armes sont, hélas! largement représentés.

* Dans ce lourd tribut la part du 12e n'est pas petite : le chef d'escadron Lévy, commandant le 3e groupe, est grièvement blessé et meurt des suites de ses blessures; le lieutenant Vancrayelinghe, commandant la 7e batterie, le sous-lieutenant Brenier, de L’E.M. du 3e groupe, sont frappés mortellement sur les pentes nord de la colline de Lorette, dans les bois de Noulette. De nombreux sous-officiers, brigadiers, servants et conducteurs du régiment reposent dans les cimetières des villages environnants et aussi, pour quelques-uns, dans les tranchées bouleversées du bois carré ou du fond de Buval. Les pertes sont : tués, 3 officiers, 3 sous-officiers, 31 brigadiers et canonniers.

Dès le mois d'avril 1915, deux batteries provenant d'une division territoriale et originaires du 14e R. A. C. avaient été affectées au régiment. Devenues les 3e et 5e batteries du 12e, qui se trouvait ainsi recomplété, ces unités avaient participé à tous les combats de mai, juin et juillet, et n'avaient pas moins souffert que les autres.

Pourtant, à la fin de juillet, le secteur de Lorette devient calme et il en est de même pendant le mois d'août et une partie de septembre. Calme trompeur, car de gros préparatifs se font de notre côté. Une nouvelle et puissante offensive est en cours de préparation. L'action de la Xe armée en Artois est combinée avec une action plus importante encore qui doit se dérouler en Champagne.

L'attaque a lieu le 25 septembre. Cette fois tout le mouvement de Lorette est bien à nous et nous avons même escaladé les hauteurs de Givenchy sur le sommet desquelles l'ennemi s'accroche désespérément.

Cependant l'ennemi n'a pas été bousculé et les tentatives qui se poursuivent jusqu'au 11 octobre ne sont que des actions locales à objectifs réduits.

Il faut donc prévoir une campagne d'hiver! Déjà le brouillard et la pluie ralentissent l'activité des deux artilleries, les tirs deviennent rares; les adversaires s'organisent et il en est ainsi jusqu'au moment où l'A. D./43 est relevée par l'A. D./17.

Le 20 décembre 1915, le colonel Le Rond quitte le commandement du régiment. Il est remplacé par le colonel Bouvier.

Quelques jours après, le 11 janvier 1916, après plus de douze mois de séjour dans le secteur historique de Notre-Damede-Lorette, le 21e corps, au complet, quitte l'Artois pour aller vers d'autres destinées.

VERDUN

La première citation.

Le moment semblait venu de reprendre les grands mouvements stratégiques. Les brillants états de services du 21e corps lui méritèrent de figurer parmi ceux qui constituèrent, en janvier 1916, l'armée de Noailles, celle qui, sous les ordres du général Pétain, devait inaugurer une nouvelle guerre de mouvement.

A Verdun, une mission plus pénible, mais plus glorieuse encore, l'attendait. Merveilleusement entraînées par des manœuvres intensives au camp de Saint-Riquier, pleines d'enthousiasme et de confiance, les troupes du 21e corps devaient naturellement être de celles à qui incomberait la lourde tâche de recevoir le premier choc de Verdun. L'ennemi nous devance. Le 21 février se déclenche la plus puissante attaque que la guerre ait vue jusqu'alors. Dès le 24, les Allemands ont pris le fort de Douaumont; Verdun est menacé. Le 20e corps est arrivé, mais la poussée est terrible; il tiendra jusqu'au 7 mars pour passer la main au 21e corps.

Les neuf batteries du 12e entrent dans la fournaise dans la nuit du 7 au 8 et prennent position entre le fort de Souville et le fort de Tavannes, aux emplacements mêmes du 60e d'artillerie sur lequel s'acharnait depuis huit jours déjà l'artillerie lourde allemande. C'est bien la guerre en rase campagne, en ce sens que les pièces sont à ciel ouvert, que les abris pour le personnel et les munitions n'existent pas, que les postes d'observation sont dans des trous d'obus, que les liaisons téléphoniques sont précaires. Mais c'est aussi la guerre de siège avec ses bombardements continus, ses tirs d'anéantissement sur ces audacieuses batteries de 75 qui savent que de leur tir seul dépendent la sécurité des glorieux défenseurs de Verdun et l'interdiction de l'arrivée des renforts que la Germanie consent à sacrifier pour obtenir une décision.

Mais trop grande a été la surprise; notre artillerie lourde n'est pas encore arrivée et, comme en 1914, c'est aux batteries de campagne qu'incombera toute la charge de ce début angoissant de la bataille de Verdun. A elles les missions de barrage, et les demandes sont fréquentes ; à elles les missions d'interdiction dans ces fameux ravins de la Caillette, de Douaumont, d'Hardaucourt, où l'ennemi accumule ses réserves et recueille ses morts. Nuit et jour, sans repos, sans sommeil, les servants sont à leurs pièces, méprisant le froid, les bombardements, les gaz et la mort, mangeant à peine, déversant plus de 200 coups par pièce et par jour sur ces assaillants tenaces et furieux que sont les Brandebourgeois du Kronprinz allemand, faisant échouer, grâce à leur feu, l'attaque puissante du 9 mars sur le fort de Vaux, obligeant l'ennemi à stopper, permettant l'arrivée et l'installation de l'artillerie lourde et autorisant le commandement, quelques jours après, à affirmer qu' « on les aura ». Pendant douze jours, sous l'autorité du colonel Bouvier, commandant toute l'artillerie du secteur, et le commandement du chef d'escadron Berniolle, le régiment poursuit cette lutte sans merci, malgré les pertes, malgré la fatigue, malgré les privations ; les conducteurs sentent eux aussi que le sort de Verdun, de la France est en jeu ; malgré le harcèlement terrible qui balaie les routes, les carrefours, malgré les difficultés, ils assurent le ravitaillement en vivres, en munitions, en matériel avec le plus beau calme et le plus grand sang-froid.

Dans un bel élan de fraternité de combat, toutes les nuits, ils mettent un point d'honneur à amener sur la position même la cuisine roulante de batterie autour de laquelle les servants viennent se réconforter et se donner un instant l'illusion que la provision des obus lacrymogènes ennemis est épuisée.

Les secours aux blessés ne font pas non plus défaut en dépit de l'installation précaire et de l'intensité des tirs ennemis.

Sous les ordres du Dr Camors, un poste de secours fonctionne à la batterie de l'Hôpital et devant l'exemple de ce chef valeureux, infirmiers et brancardiers rivalisent de dévouement et de courage allant jusqu'au sacrifice, tel le brancardier Hedin (9e batterie), tué en ramenant le corps du lieutenant Poiget.

Le 18 mars, le 12e est relevé sur ses positions mêmes où il a souffert douze jours et douze nuits les pires souffrances physiques et morales; tant de camarades étaient tombés! Le régiment avait perdu 17 officiers et 116 hommes de troupe parmi lesquels 5 officiers, 5 sous-officiers, 35 brigadiers et canonniers avaient généreusement donné leur vie. Vingt-huit canons sur trente-six avaient successivement été mis hors de combat, et, informes débris d'une lutte gigantesque et inégale, ils gisaient dans les entonnoirs de 210 et de 150. Le 3e groupe avait particulièrement souffert et si toutes les batteries avaient bien mérité de la patrie, si le régiment avait, par les efforts et la conduite de tous ses membres, mérité les honneurs d'une citation à l'ordre de l'armée, la ge batterie, dont le chef, le capitaine Brunet, tomba d'une façon héroïque le 10 mars, reçut l'hommage supplémentaire de la magnifique citation suivante à l'ordre de la IIe armée :

Au combat du 10 mars 1916, prise pendant huit heures consécutives sous un bombardement de gros calibre, a, sous l'autorité de son chef, le capitaine Brunet et de son lieutenant, le lieutenant Guédon, continué ses tirs de barrage avec la plus belle crânerie, en dépit de toutes les pertes en hommes et en matériel; a eu son capitaine mortellement atteint alors qu'il rassemblait pour la suite des opérations les servants de cette batterie.

Quelques semaines après, le 18 avril, alors que le régiment se réorganisait à l'arrière pour se préparer à de nouveaux exploits, le général Gouraud, le glorieux mutilé des Dardanelles, passant en revue la 13e division au camp de Châlons, convoquait devant les 49 drapeaux ou étendards de la IVe armée l'étendard du 12e avec une délégation nombreuse. Après que furent évoqués avec émotion à l'ombre de l'emblème sacré, les noms des glorieux morts de Verdun : capitaine Brunet, lieutenant Poiget, sous-lieutenant Collard, sous-lieutenant Perret, sous-lieutenant Henry, et les 40 hommes de troupe qui tombèrent auprès d'eux, le général Gouraud remettait solennellement à l'étendard, au nom du général en chef, la croix de guerre avec palme que lui attribuait la citation suivante conquise dignement dans les combats de Verdun : Le 12e régiment d'artillerie, sous le commandement du chef d'escadron BemioIle, a soutenu l'infanterie sous un bombardement des plus violents et en dépit des pertes très sérieuses a rempli sa mission jusqu'au bout et a largement contribué au succès de nos armes. A été en butte, du 7 au 17 mars 1916, à un bombardement très précis d'obus de gros calibre; tous, officiers et canonniers, ont rempli leur devoir et fait preuve du plus beau courage.

Les sacrifices consentis dans les débuts de la bataille de Verdun n'ont pas été vains. Dès le mois de mai, l'organisation française se montre égale à la préparation allemande, il apparaît chaque jour qu'« ils ne passeront pas », que « Verdun ne sera pas pris ». On peut songer à reprendre l'offensive tandis que se préparent les opérations du front de la Somme et pour déjouer la surveillance de l'ennemi des secteurs réputés calmes vont s'animer. Au 21e corps échoit la tâche de retenir devant lui sur le front de Souain à la Main de Massiges, en Champagne, des troupes dignes de lui. Avec une activité inlassable entre le 2 mai et le 27 juillet, le 12e se montre encore à la hauteur des missions qui lui sont confiées, harcèlement, préparation de coups de main, organisation solide du secteur, missions qu'il remplit de positions repérées et fréquemment battues. Grâce au travail considérable fourni par le personnel pour l'aménagement des positions, les pertes sont assez' légères, néanmoins 3 officiers sont blessés dont 1 grièvement.

LA SOMME

Quand le 12e quitte la Champagne, fin juillet, l'offensive déclenchée le 1er juillet sur la Somme bat son plein, des résultats importants ont déjà été atteints. Verdun use sans cesse les divisions allemandes ; par la puissance des moyens matériels mis en œuvre sur la Somme, la défense coûte plus cher que l'attaque; l'épuisement de l'ennemi est en bonne voie.

Jusqu'à l'hiver, d'une façon incessante, au nord et au sud de la rivière, se poursuivent des actions locales importantes destinées, en dégageant Bapaume et Péronne, à réduire le saillant de Roye et à diminuer la menace sur Paris.

Le 20 août, la 43e division (général de Boissoudy), mise à la disposition de la Xe armée (général Micheler), se trouve devant Vermandovillers et Soyécourt avec son fidèle 12e.

Sa situation dans ce secteur difficile, aux ondulations légères, peu favorables au défilement de l'artillerie, restera délicate jusqu'au bout. A l'extrême droite du front d'attaque le 35e corps, auquel la division est rattachée jusqu'au 20 septembre, puis le 21e corps ensuite vont se heurter aux puissantes organisations d'Ablaincourt, de Cerny, Fresnes et Marché le Pot en prises continuelles avec des contre-attaques de flanc venant de la forte position de Chaulnes.

Le secteur est en partie organisé, c'est un travail considérable imposé aux batteries pour en faire un secteur d'attaque puissant et bien outillé : les postes d'observation sont rares, les liaisons téléphoniques sont difficiles à établir; elles sont longues et le temps est limité.

Le 4 septembre, la 43e division, bien appuyée par son artillerie, enlève Soyécourt et progresse de 2 kilomètres; le 17 septembre, elle s'empare de Deniécourt et du parc du Château, transformé en une forteresse que l'ennemi jugeait imprenable.

Les groupes du 12e suivent la progression et sur des positions à peine défilées dont l'organisation met à une cruelle épreuve la résistance du personnel, subissent sans faiblir des bombardements incessants qui leur causent des pertes sensibles, mais qu'importe ! les succès se poursuivent : le 10 octobre, le village de Bovent est entre nos mains, les premières maisons d'Ablaincourt sont dépassées, grâce à la ténacité d'un jeune officier du 12e, le sous-lieutenant d'Hespel, qui, avec le maréchal des logis Terreaux, de la 2e batterie, et de 7 fantassins du 408e, égarés dans les boyaux et énergiquement rassemblés, parvient à capturer deux mitrailleuses gênantes pour la progression, force à se rendre 3 officiers allemands, dont un chef de bataillon, et 18 hommes, et conduit lui-même un détachement de volontaires du 409e dans les ruines du village. Cette action d'éclat valut à son courageux auteur une proposition exceptionnelle pour la croix de la Légion d'honneur, mais avant qu'il pût recevoir cette juste récompense, il tombait glorieusement, le 28 octobre, tué en même temps que son inséparable subordonné Terreaux, proposé lui aussi pour la médaille militaire et que son commandant de groupe, le vaillant capitaine Girod.

Le 14 octobre fut la prise de la sucrerie de Bovent, puis de Genermont, le 7 novembre la conquête d'Ablaincourt et de Pressoire.

L'offensive doit se poursuivre, mais le temps devient pitoyable; le champ de bataille sur lequel fantassins et artilleurs ont eu à subir les pires bombardements depuis trois mois, se transforme en une mer de boue que les plus pénibles travaux ne parviennent pas à endiguer et c'est dans un état d'épuisement considérable que s'effectue la relève des batteries dans la nuit de Noël 1916. Du moins, la contribution du 12e à

l'offensive victorieuse de la Somme qu'elle avait payée des pertes suivantes : 25 tués dont 2 officiers, et 49 blessés dont 3 officiers, justifiait une fois de plus sa glorieuse réputation.

Elle avait confirmé la haute valeur de ses brillants chefs, le lieutenant-colonel Berniolle comme commandant de l'artillerie divisionnaire, le chef d'escadron d'Alès comme commandant du groupement de campagne du 12e.

L'offensive de la Somme avait ouvert aux armées françaises les routes de Cambrai et de Saint-Quentin; non seulement elle avait dégagé Verdun, mais la série de succès dans le Nord avait permis de reprendre Douaumont et Vaux et de rétablir presque intégralement notre ligne primitive au nord de Verdun, achevant ainsi de donner à l'échec allemand toute sa signification.

Les armées alliées reprenaient une fois de plus l'initiative des opérations. Une deuxième fois, le 21e corps était choisi pour entrer dans la constitution d'une armée dite « d'exploitation » dont le rôle, sous l'autorité du général Fayolle, devait être décisif. -Transporté dans la région de Villersexel le 28 décembre, puis dans la région de Belfort le 1er février, il est employé à des travaux de secteurs en Haute-Alsace autant pour l'aménagement défensif de la région que pour parer à une attaque possible par la Suisse.

Pendant le mois de mars, le 21 e corps poursuit son instruction offensive au camp de Villersexel, tandis que du 19 au 24 mars, l'ennemi, pour éviter les désastres qui le menacent, effectue un repli considérable jusqu'à La Fère et Saint-Quentin.

Le général Mollandin a remplacé à la 43e division, depuis octobre, le général de Boissoudy, appelé au commandement d'un corps d'armée. Le lieutenant-colonel Berniolle a pris définitivement le commandement de l'artillerie divisionnaire le 2 février (2) et le lieutenant-colonel Leroy a pris, le 4 mars, le commandement du 12e.

Le 15 avril, le 21e corps, en pleine forme, au moral toujours pur, encore exalté par la nouvelle de l'entrée en guerre de l'Amérique à nos côtés (5 avril), est rassemblé tout entier au nord de la Marne, dans la région de LaFerté-sous-Jouarre, prêt à exploiter le succès que l'on escompte de la grande offensive de printemps sur le Chemin des Dames, le plateau de Craonne et les monts de Champagne. Mais si les résultats de cette bataille du 16 avril 1917 sont appréciables, ils ne sont pas décisifs. Les événements de Russie ajoutent encore à l'incertitude d'une décision que l'on espérait prochaine.

La patience est la règle; avec une abnégation qui étonne le monde, chacun se résigne et accepte l'éventualité d'une guerre encore longue, d'un nouvel hiver à passer dans les tranchées, la nécessité d'attendre que les légions américaines soient prêtes. Sous l'autorité du général Pétain qui a pris le 15 mai le commandement suprême des armées françaises, l'année 1917 s'écoule lentement, marquée toutefois par une série de succès locaux sur toutes les parties du front.

LA MALMAISON

La deuxième citation. — La Fourragère.

Le 12e ne pouvait manquer de participer à l'une des plus brillantes parmi toutes ces batailles qui devaient exalter la confiance des Alliés dans les méthodes françaises et qui c compensaient les revers que la défection russe nous obligeait à enregistrer : la bataille de la Malmaison.

Pendant les mois de juin, juillet, août, le 12e est en batterie dans le secteur de Vailty, face au fort de la Malmaison. Arrivé le 25 mai pour participer à une action offensive, il organise rapidement ses positions; le secteur est d'une animation extraordinaire; deux artilleries formidables se font vis-à-vis.

Puis l'offensive projetée est ajournée.

De notre côté de nombreuses batteries lourdes sont enlevées tandis que l'artillerie ennemie se renforce. D'offensif le secteur devient défensif, l'activité de l'artillerie et de l'aviation ennemies s'accroît de jour en jour, les bombardements des batteries sont quotidiens, les coups de main sont fréquents, les tirs de barrage, de contre-préparation ne le sont pas moins, le harcèlement est terrible, l'air est infecté de gaz, l'organisation des positions est difficile et laborieuse, la fatigue du personnel est considérable, les pertes sont sensibles : 29 tués, dont 2 officiers et 2 sous-officiers et 71 blessés, dont 6 officiers, pour la période du 25 mai au 3.novembre 1917; 18 canons sont mis hors de combat.

Tel est le bilan de cette lutte purement défensive de trois mois, au cours desquels chaque batterie du régiment a reçu une moyenne de 6.000 obus de tous calibres.

Une brillante revanche attendait le 12e.

Au début de septembre, une nouvelle action offensive est projetée, un remaniement complet du secteur commence.

Les groupes retirés peu à peu du front sont mis au demi-repos à une trentaine de kilomètres en arrière. Le mois de septembre est employé uniquement à l'organisation des positions d'attaque. Des équipes d'artilleurs alternent et travaillent d'arrache-pied. Les positions sont armées au début d'octobre, les munitions s'accumulent, les batteries de 75, de 155, de 270, de 400 voisinent malgré les bombardements à gaz, une préparation d'artillerie comme il n'en fut jamais se déclenche le 17 octobre sur les formidables organisations de la Malmaison et du Chemin des Dames. Jusqu'au 23, jour de l'attaque, les batteries tirent jour et nuit, le personnel fournit un effort surhumain, les servants en assurant sans défaillance leur mission aux pièces, les conducteurs en ravitaillant toutes les nuits par des chemins défoncés et boueux sous des tirs de harcèlement violents en obus toxiques. 92.000 obus de 75 sont consommés en sept jours par les neuf batteries ; près de 1.000 caissons ont été montés sur les positions en l'espace d'une semaine.

Le 23 octobre, à 5h 15, l'attaque se déclenche. Collée à nos barrages, confiante dans la précision des tirs, la belle infanterie de la 43e division progresse rapidement et s'empare à l'heure prévue de son premier objectif, puis c'est l'arrêt, prévu lui aussi; les valeureux détachements de liaison et d'observation sous les ordres des lieutenants Schuller, Buffet (blessé), Choisy, Pillard, Moreau-Néret, partis avec les premières vagues d'assaut assurent le réglage des batteries sur , les nouveaux objectifs, enthousiasmant l'infanterie, exaltant sa confiance. A l'heure prévue l'objectif final assigné à la division est atteint et même dépassé. Les pertes ont été légères, le terrain conquis est semé de cadavres ennemis, les prisonniers en colonnes imposantes croisent les trois groupes du 12e qui se portent fièrement et pleins d'enthousiasme, mais non sans difficultés, au delà des anciennes lignes allemandes jusque sur les glacis du fort de la Malmaison. La bataille se poursuit pendant plusieurs jours avec le même succès et oblige finalement l'ennemi à se replier au delà de l'Ailette.

La part glorieuse qu'avait prise dans cette belle victoire le 12e d'artillerie fut consacrée d'abord par l'extrait suivant du compte rendu adressé après la bataille par le général Degoutte, commandant le 21e corps, au général Maistre, commandant la IVe armée, sous les ordres duquel le 21e corps avait antérieurement conquis sa belle réputation, en Artois et à Verdun.

« Le 21e corps d'armée, fier de ses traditions glorieuses, bien entraîné, en superbe état moral, après une préparation d'artillerie qui avait donné confiance à tous, a abordé l'ennemi le 23 octobre 1917.

« Il savait avoir devant lui des forces égales ou supérieures à ses troupes d'attaque, composées d'éléments de quatre divisions allemandes, deux divisions de la Garde, 13e division d'infanterie, 43e division de réserve, 52e division d'infanterie.

« Il se trouvait au nœud de la résistance allemande là où l'ennemi avait accumulé ses plus puissants moyens de défense à l'intersection des premières positions allemandes et de la Bretelle de Pinon, sur le plateau de la Malmaison.

« Malgré les pertes causées par les mitrailleuses ennemies, les vagues d'assaut collant au barrage et noyant toutes les résistances, l'artillerie en liaison intime avec son infanterie, il a atteint en six heures tous ses objectifs.

« L'importance du butin conquis, le nombre de cadavres ennemis trouvés sur le terrain montrent l'importance que les Allemands attachaient à la position que le 21e corps a enlevée de haute lutte.

Malmaison et particulièrement la mémoire de ceux qui ont payé de leur sang le beau succès enregistré le 23 octobre ; il glorifie les noms de ceux qui, par leur conduite et leur bravoure, dans cette journée, méritent de recevoir au titre du champ de bataille les insignes de la Légion d'honneur, de la Médaille militaire ou de la Croix de guerre avec palme : sous-lieutenant Schueller, maréchaux des logis Geoffroy (6e), François (7e); 1er groupe Médard (4e), brigadier Bouteiller, 4e chasseurs à cheval, détaché au 12e d'artillerie, sous-lieutenant Moreau-Néret.

Un témoignage aussi probant des services qu'avait rendus le 12e, de l'effort et de la magnifique endurance dont il avait fait preuve, ne pouvait que lui mériter pour la deuxième fois une citation à l'ordre de l'armée. Le 10 novembre, au cours d'une imposante revue passée à Soissons par le général Pétain et devant les drapeaux et étendards de tous les régiments de la IVe armée, toutes les unités de la 43e division, 1er et 31e B. C. P., 14ge et 158e R. I., le 12e régiment d'artillerie recevaient la consécration de leur biillante conduite en commun, le général en chef attestait solennellement leur droit au port de la fourragère aux couleurs de la Croix de guerre. Et ce fut avec une légitime fierté, six semaines après, alors que le régiment relevé le 1er novembre était venu se reconstituer dans la région de Montbéliard et jouir d'un repos bien gagné, que le personnel du 12e, rassemblé sous les armes devant le général Michel, commandant la division, vit son glorieux étendard cravaté de la fourragère, son chef, le lieutenant-colonel Leroy, recevoir l'accolade avec émotion et qu'il entendit la lecture poignante de la belle citation suivante : Après avoir tenu pendant plusieurs mois un secteur très actif et avoir été soumis quotidiennement à des tirs réglés, a apporté dans l'exécution des combats d'octobre 1917 une vigueur et un entrain remarquables, grâce à la haute valeur militaire et l'énergie de son chef, le lieutenant-colonel Leroy et de ses commandants de groupe ainsi qu'à l'endurance, au dévouement absolu, au moral

« Il a été recensé à la date du 30 octobre sur les 18 kilomètres carrés de terrain conquis par le 21e corps représentant une avance moyenne de 5 kilomètres : 57 granatenwerfer, 57 minenwerfer, 282 mitrailleuses, 135 canons, 3.892 prisonniers. »

Un tel document honore les brillants combattants de la Malmaison et particulièrement la mémoire de ceux qui ont payé de leur sang le beau succès enregistré le 23 octobre ; il glorifie les noms de ceux qui, par leur conduite et leur bravoure, dans cette journée, méritent de recevoir au titre du champ de bataille les insignes de la Légion d'honneur, de la Médaille militaire ou de la Croix de guerre avec palme : sous-lieutenant Schueller, maréchaux des logis Geoffroy (6e), François (7e); 1er groupe Médard (4e), brigadier Bouteiller, 4e chasseurs à cheval, détaché au 12e d'artillerie, sous-lieutenant Moreau-Néret.

Un témoignage aussi probant des services qu'avait rendus le 12e, de l'effort et de la magnifique endurance dont il avait fait preuve, ne pouvait que lui mériter pour la deuxième fois une citation à l'ordre de l'armée. Le 10 novembre, au cours d'une imposante revue passée à Soissons par le général Pétain et devant les drapeaux et étendards de tous les régiments de la IVe armée, toutes les unités de la 43e division, 1er et 31e B. C. P., 14ge et 158e R. I., le 12e régiment d'artillerie recevaient la consécration de leur biillante conduite en commun, le général en chef attestait solennellement leur droit au port de la fourragère aux couleurs de la Croix de guerre. Et ce fut avec une légitime fierté, six semaines après, alors que le régiment relevé le 1er novembre était venu se reconstituer dans la région de Montbéliard et jouir d'un repos bien gagné, que le personnel du 12e, rassemblé sous les armes devant le général Michel, commandant la division, vit son glorieux étendard cravaté de la fourragère, son chef, le lieutenant-colonel Leroy, recevoir l'accolade avec émotion et qu'il entendit la lecture poignante de la belle citation suivante : Après avoir tenu pendant plusieurs mois un secteur très actif et avoir été soumis quotidiennement à des tirs réglés, a apporté dans l'exécution des combats d'octobre 1917 une vigueur et un entrain remarquables, grâce à la haute valeur militaire et l'énergie de son chef, le lieutenant-colonel Leroy et de ses commandants de groupe ainsi qu'à l'endurance, au dévouement absolu, au moral élevé de tous. A réalisé une préparation aussi complète que possible et accompagné ensuite d'une façon brillante les troupes d'attaque, pendant la progression avec une exactitude et une précision parfaites. A ainsi aidé puissamment l'infanterie à conquérir les objectifs assignés.

L'ANNÉE DE LA VICTOIRE

Le 27 mai. — Le 15 juillet. — Le 26 septembre.

Le 25 octobre. — La Fourragère jaune.

A l'aurore de l'année 1918, quelle est la situation de l'Allemagne ? Au point de vue économique, elle est traquée par le blocus allié qui se poursuit rigoureusement, la guerre sous-marine ne lui procure aucun résultat. Au point de vue politique, ses manœuvres de paix ne sont pas parvenues à faire fléchir l'union et la résolution de l'Entente, son peuple ne croit plus à la victoire, le Reichstag lui-même estime qu'à l'égard des puissances occidentales la conciliation agirait mieux que la force et que l'on pourrait se borner à exploiter les avantages obtenus sur le font oriental. Au point de vue militaire, l'Allemagne ne sera jamais plus aussi forte qu'à ce moment, les légions américaines sont toujours à l'instruction, la défection russe est définitive, la Roumanie est hors de cause, les revers italiens ont ajourné toute menace de ce côté du front occidental. Le Kaiser, aidé par le parti annexionniste et militaire dirigé par Ludendorf, va tenter sa dernière chance de sauver sa couronne et sa dynastie. Rassemblant tous ses moyens matériels et moraux, joignant le bluff à la menace, le grand État-major allemand annonce à grand fracas sa grande offensive pour la « paix ». Pour donner le change aux réserves françaises, de multiples attaques locales tiennent en éveil tout le front français, en Champagne, en Lorraine, en Alsace, pendant les premiers mois de 1918. Au 21e corps échoit la mission de maintenir intangible le front des Vosges qu'il occupe dès le 20 janvier sur une étendue considérable, entre le col de Saales et le col de la Schlucht. Rôle modeste, mais méritoire, car le secteur est très actif, l'ennemi opère de fréquents coups de main, ses batteries sont nombreuses, vigilantes et agressives, son aviation est audacieuse. Par contre, la densité de nos troupes est faible, l'artillerie organique des divisions, à peu près seule, est éparpillée sur des distances énormes, les fatigues physiques sont grandes et l'impossibilité de répondre coup par coup au harcèlement de l'adversaire est péniblement ressentie chez des troupes habituées à attaquer. Les pertes sont légères : 2 tués et 7 blessés.

Le 21 mars, la grande bataille annoncée, et dont le Kaiser par sa présence a attesté solennellement la décisive importance, est engagée entre la Somme et l'Oise, à la soudure des fronts anglais et français. Un recul général se produit d'Arras à Noyon, mais au bout de quelques jours, grâce à la résistance anglaise, grâce à l'arrivée des renforts français, le « flot allemand vient mourir sur la grève ». L'ennemi était arrêté devant Noyon, n'avait pu prendre Amiens et devait renoncer une fois de plus à pénétrer dans Calais. Le 15 avril, la première phase de cette bataille du printemps qui devait lui donner une foudroyante victoire, était terminée. Le général Foch, nommé, le 26 mars, au commandement suprême des armées alliées, avait déjoué les plans grandioses d'un adversaire pourtant résolu mais dont l'usure avait été si considérable, qu'il devait reprendre haleine avant de continuer ses attaques.

Pour le général en chef, c'était un gain de temps précieux qui allait lui permettre de ramasser des réserves solides et de s'organiser pour les prochaines opérations. En outre, la menace sur le front des Vosges avait disparu, malgré les efforts de la presse allemande pour décrire d'imposants préparatifs d'attaque en Lorraine et en Alsace.

Le 21e corps remplacé en secteur par des troupes fatiguées passe à la IVe armée et vient se rassembler dans la région de Compiègne, vers le 20 avril. Sous le commandement du chef d'escadron Charleux, qui a remplacé le lieutenant-colonel Leroy le 12 avril, le 12e participe avec l'infanterie de la 43e division à de fréquentes manœuvres offensives en liaison avec les chars d'assaut. Le moment est-il donc venu de reprendre ce mouvement en avant auquel le vaillant 21 e corps aspire depuis la Malmaison. Non, comme à Verdun, un rôle plus urgent l'appelle brusquement, le 27 mai au soir dans une bataille défensive acharnée dont, cette fois, dépendra le sort de Paris. A 1 heure du matin, les défenseurs du Chemin des Dames sont surpris par une préparation d'artillerie formidable. Au jour, quarante divisions allemandes avançant en masse sur un front de 40 kilomètres, s'infiltrant partout, ont submergé les cinq divisions franco-britanniques qui gardaient la position. L'avance de l'ennemi a été foudroyante, un trou considérable se forme dans les lignes, à midi les Allemands ont franchi l'Aisne, le soir ils sont sur la Vesle à 20 kilomètres de leur point de départ.

La 43e division est alertée le 27 à 17 heures. L'infanterie, transportée en camions, sera au contact de l'ennemi le lendemain à 10 heures. Le 12e se met en route à 20 heures, et, après une marche ininterrompue de trente heures rendue particulièrement pénible par de fréquents embouteillages, il se présente sur le champ de bataille, vers Arcy-Sainte-Restitue, le 29 mai au petit jour, juste à temps pour recueillir notre frêle rideau d'infanterie qui vient de subir une puissante attaque ennemie. Les 2e et 3e groupes ont à peine occupé leurs emplacements qu'ils sont en pleine mêlée. Les 4e et 8e batteries, sous le feu direct des mitrailleuses, se mettent en batterie à découvert, et, par un tir à vues directes, à bout portant, arrêtent net la progression de l'ennemi et le clouent sur place.

Le repli de ces batteries avancées est délicat, mais s'opère dans le plus grand calme sous la protection des autres batteries de groupes habilement installées et énergiquement commandées. Se cramponnant au terrain, sans quitter des yeux l'adversaire, sans cesser un instant de lui infliger des pertes sévères, les batteries se retirent ainsi par échelon et n'occupent qu'à 11 heures les positions de repli que le commandement avait compté aborder dès 6 heures. Après être sortis, sans perdre un seul canon, d'une situation particulièrement critique, les trois groupes pendant le reste de la journée resteront les maîtres incontestés de ce coin du champ de bataille et y interdiront toute progression à l'adversaire.

Appelés à 17 heures à se déplacer pour se rendre dans la nouvelle zone d'action de la division, ils quitteront leurs positions, exténués mais fiers du devoir si complètement accompli et de l'effort déployé dans les dernières quarantehuit heures au cours desquelles, presque sans repos, les batteries avaient fait 100 kilomètres dont 20 en combattant, elles s'étaient battues pendant dix-sept heures consécutives et certaines avaient occupé quatre positions. Pendant les neuf jours de combat qui vont suivre pas un instant ces belles qualités d'endurance et d'énergie ne se démentiront. Successivement, toutes les batteries ajouteront à la gloire du 12e par des exploits superbes, restant en place et tirant jusqu'au dernier moment, jusqu'à ce qu'elles soient rejointes, quelquefois dépassées par nos derniers éléments d'arrière-gardes. Le 31 mai, c'est une pièce de la 2e batterie avec le sous-lieutenant Salmon qui met en batterie à quelques centaines de mètres de mitrailleuses ennemies et dont le tir opportun permet aux 1er et 2e groupes à demi cernés de se dégager.

C'est la 5e batterie (capitaine Delaage) qui, en batterie en avant même de nos premiers éléments d'infanterie, interdit jusqu'au soir le débouché du bois de Bonnes. Ce sont la 5e batterie (capitaine Delaage) et la 9e batterie (capitaine Dubois) qui, laissées en batteries sur les positions mêmes des avantpostes jusqu'à 1 heure du matin, exécuteront des tirs de harcèlement ininterrompus pour donner le change à l'ennemi sur les dispositions de nos troupes. Et le 3 juin, quand l'infanterie de la division épuisée par huit jours de durs combats sera relevée, le 12e continuera encore pendant quatre journées à préparer et à appuyer les contre-attaques victorieuses qui fixeront définitivement le front sur la ligne de Veuilly-laPoterie—Vinly—Eloup— les bois de Bussiares et du Croissant et qui consacreront l'échec de la troisième offensive du printemps, celle du 27 mai. Les pertes pour la période du 29 mai au 8 juin ont été de : 8 tués, 32 blessés, dont 2 officiers.

La bataille pour Compiègne, le 9 juin, ne parvient pas davantage à triompher de l'inébranlable résistance des Alliés.

L'ennemi obtient encore des résultats importants, mais de plus en plus limités. L'opinion publique en Allemagne s'impatiente, s'émeut de plus en plus. Le grand État-major allemand, ramassant tous ses moyens dans un effort suprême, veut obtenir coûte que coûte une décision. Il veut percer le front de Champagne, boucler Verdun, franchir la Marne à Châlons et Épernay, cueillir Reims au passage et, exploitant ensuite avec la dernière vigueur la rupture obtenue, atteindre Paris.

A la IVe armée et à la Ve armée appartiendra l'honneur de faire échouer, le 15 juillet, cette cinquième offensive de 1918 et d'assurer le succès de la riposte du 18 juillet, prélude de la victoire finale.

* * * *

A peine sorti de la bataille de l'Aisne le 8 juin, le 21e corps entrait en secteur devant Tahure le 17 juin, secteur de repos, pensait-on, après les fatigues subies deux semaines auparavant.

Il n'en était rien. Le 12e allait avoir à fournir au contraire un des efforts les plus considérables de la campagne. Avant la fin du mois de juin, le commandement n'a plus de doute sur les intentions de l'ennemi. Malgré les précautions prises pour garder le secret de sa préparation : activité presque nulle de son aviation et de son artillerie, passivité de son infanterie, suppression de tout mouvement de jour, de toute réaction à nos coups de main journaliers, l'attaque est certaine et imminente. Alors pour tous au 12e c'est le travail intensif des jours de crise, c'est un remaniement complet du secteur, c'est l'organisation de positions que l'on veut rendre inviolables, c'est de jour et de nuit une débauche de tirs d'interdiction pour troubler les préparatifs ennemis, ce sont les coups de main à préparer, à soutenir; c'est enfin, au point de vue moral, l'attente du choc que l'on sent décisif et l'ardeur à mériter la confiance que met dans ses troupes le général Gouraud, dans l'immortel ordre du jour suivant lu aux unités, le 8 juillet, sur le champ de bataille.

ORDRE AUX SOLDATS FRANÇAIS ET AMÉRICAINS DE LA IVe ARMÉE

Nous pouvons être attaqués d'un moment à l'autre.

Vous sentez tous que jamais bataille défensive n'aura été engagée dans des conditions plus favorables.

Nous sommes prévenus et nous sommes sur nos gardes.

Nous sommes puissamment renforcés en infanterie et en artillerie.

Vous combattrez sur un terrain que vous avez transformé par votre travail opiniâtre en forteresse redoutable, forteresse invincible si tous les passages sont bien gardés.

Le bombardement sera terrible, vous le supporterez sans faiblir.

L'assaut sera rude, dans un nuage de poussière, de fumée et de gaz. 1 Mais votre position et votre armement sont formidables.

Dans vos poitrines battent des cœurs braves et forts d'hommes libres.

Personne ne regardera en arrière, personne ne reculera d'un pas.

Chacun n'aura qu'une pensée : en tuer, en tuer beaucoup, jusqu'à ce qu'ils en aient assez.

Et c'est pourquoi votre général vous dit : cet assaut vous le briserez, et ce sera un beau jour.

Signé : GOURAUD.

Et, en effet, ce jour de gloire si impatiemment attendu par tous, tant est grande la confiance dans un pareil chef, se lève le 15 juillet avant l'aurore; le bombardement est terrible, meurtrier, douloureux, ininterrompu. Qu'importe, il faut tenir ; le 12e tiendra comme à Verdun, en montrant un esprit de sacrifice splendide et une bravoure remarquable. Il doit tuer du boche ! en tuer beaucoup ! Les neuf batteries consommeront 30.000 coups entre le 14 juillet 22 heures et le 15 juillet 9 heures. Des casemates s'effondrent, les abris à munitions sautent, des camouflages flambent : on sortira les canons des décombres ; on les portera à découvert pour reprendre le tir. Des pelotons de pièce entiers sont mis hors de combat. Le personnel des pièces voisines se dédoublera et servira les deux canons. A tous les échelons, dans tous les emplois, on trouvera ce même sentiment da devoir, cette même ardeur combative, ces mêmes traits d'héroïsme.

C'est le capitaine Delaage qui, dès la pointe du jour, tombe glorieusement à son poste d'observation à côté du lieutenant Aizier, grièvement blessé après avoir donné au personnel subalterne l'ordre de s'abriter à cause de la violence du bombardement et de insécurité du poste. C'est le personnel des 8e et 9e batteries, dont les positions sont un -moment envahies par l'infanterie ennemie, qui défend ses pièces à coups de mousqueton ; c'est le servant Picart (8e batterie) qui s'échappe avec la mitrailleuse de batterie, la met en action à bout portant et cloue sur place les assaillants ; c'est le maréchal des logis Renault (9e batterie) qui, après avoir fait replier son personnel, reste le dernier près de son canon et est abattu par un mitrailleur ennemi ; c'est le maréchal des logis Brizoux (9e batterie) qui, par une ruse habile, ramène dans nos lignes un de ceux qui l'avaient fait prisonnier.

Ce sont les observateurs avancés qui, pris entre le double bombardement ennemi et ami, restent impassibles à leurs postes de sacrifice, renseignant sans arrêt, renseignant quand même alors que les vagues ennemies les ont dépassés.

Ce sont les équipes téléphoniques des groupes et des batteries qui, impuissantes à rétablir les communications sans cesse coupées par le bombardement, se transforment en équipes de coureurs et assurent quand même la liaison.

Ce sont enfin toutes les glorieuses victimes de cette journée épique qui ont si généreusement donné leur sang pour le plus grand honneur de leur régiment et de leur pays.

Leur nombre : 25 tués, dont 1 officier, 45 blessés, dont 1 officier.

Toutes ces merveilleuses qualités de cohésion dans le combat, de bravoure devant le danger, de valeur professionnelle dans l'exécution des tirs, d'habileté dans la manœuvre, qui venaient d'être déployées par les batteries du 12e depuis le 28 mai jusqu'à la consécration du succès de la grande bataille du 15 juillet, retinrent l'attention du commandement et valurent au régiment sa troisième citation à l'ordre de l'armée.

ORDRE GÉNÉRAL NO 684 DE LA IVe ARMÉE DU 7 JANVIER 1919

12e régiment d'artillerie de campagne, engagé brusquement dans la bataille du 28 mai au 7 juin 1918, sous les ordres de son chef valeureux et ardent, le lieutenant-colonel Charleux, a fait preuve d'une énergie extraordinaire, de la plus grande audace et d'une extrême habileté manœuvrière, soutenant sur chaque position jusqu'au dernier moment notre infanterie et ralentissant sans cesse la progression ennemie en lui faisant éprouver des pertes sévères, même aux instants les plus critiques, et ayant ses batteries jusqu'au contact .immédiat de l'ennemi, a su ramener dans nos lignes la totalité de ses canons. Puis, prenant un secteur, a fourni un effort considérable pour l'organisation de la défense avant le déclenchement d'une nouvelle offensive ennemie; cette offensive prononcée, le 15 juillet 1918, a témoigné, sous un feu continu et violent, d'un moral splendide, d'une endurance et d'une ténacité remarquables, dominant toutes les difficultés et remplissant toutes les missions avec précision, contribuant ainsi pour une part importante à briser l'attaque de l'ennemi et à assurer l'inviolabilité de la position sur laquelle la division avait l'obligation de résister.

- Les récompenses décernées sur le champ de bataille furent les suivantes : capitaine Robert, chevalier de la Légion d'honneur ; maréchaux des logis Favier (2e batterie), Brizoux (ge batterie), Poggi (5e batterie), 1er canonnier servant Picart (8e batterie), médaillés militaires.

Enfin, les glorieux combattants du 15 juillet devaient en outre trouver la récompense de leurs efforts et de leur endurance dans les chaleureux remerciements du général Gouraud dont les conceptions hardies venaient de sauver la France, et qui s'exprimait ainsi :

Soldats de la IVe armée.

Dans la journée du 15 juillet, vous avez brisé l'effort de quinze divisions allemandes, appuyées par dix autres.

Elles devaient, d'après leurs ordres, atteindre la Marne dans la soirée, vous les avez arrêtées net là où nous avons voulu livrer bataille.

Vous avez le droit d'être fiers, héroïques fantassins et mitrailleurs des avant-postes qui avez signalé l'attaque, qui l'avez dissociée, aviateurs qui l'avez survolée, bataillons et batteries qui l'avez rompue, états-majors qui avez si minutieusement préparé ce champ de bataille.

C'est un coup dur pour l'ennemi. C'est une belle journée pour la France.

Je compte sur vous pour qu'il en soit toujours de même chaque fois qu'il osera vous attaquer, et de tout mon cœur de soldat je, vous remercie.

Signé : GOURAUD.

Certes, ce 15 juillet était une belle journée pour les armes françaises; elle marquait la faillite du plan germanique, elle permettait aux Alliés de reprendre l'initiative des opérations, elle obligeait la fortune des armes à changer de camp; elle promettait mieux : elle assurait la victoire du droit sur la barbarie. Commencée le 18 juillet, la riposte du généralissime ne laissera plus aucun répit à l'adversaire, le succès couronnera tous les efforts non seulement sur le front français, mais sur tous les fronts alliés et, le 6 novembre, alors que l'Allemand sera bouté hors de France et de Belgique presque complètement, son gouvernement demandera humblement un armistice au maréchal Foch.

* * *

La part du 12e dans ces succès décisifs de la guerre ne fut pas moins glorieuse que celle qu'il avait prise dans les dures batailles qui jalonnent son épopée de quatre années de campagne. Ne pourrait-on pas dire même que, avec des effectifs de plus en plus réduits qu'aucun renfort ne venait compléter, mais dont l'excellent moral décuplait l'énergie, le régiment montra des qualités militaires et manœuvrières plus brillantes que jamais.

Le 12e a pris le secteur de Champagne le 17 juin ; il y a subi le choc du 15 juillet, il n'est relevé que le 8 septembre après avoir participé journellement aux actions locales prescrites pour rectifier notre front, pour harceler l'ennemi sans cesse, pour l'obliger à maintenir devant nous de nombreux effectifs.

Le repos n'est pas de longue durée.

L'offensive générale de la mer à la Meuse est décidée.

La IVe armée appelle le 21e corps en face des formidables organisations du mont Muret et de Somme-Py.

Le 19 septembre, onze jours après sa relève, le 12e bivouaque avec des masses prodigieuses d'artillerie de tous calibres dans les bois de Saint-Remy, à 6 kilomètres des lignes; l'activité de cet immense camp, où 15.000 artilleurs et 15.000 chevaux veulent vivre cachés, est nulle pendant le jour; elle devient formidable pendant la nuit où, par centaines de caissons, chaque régiment monte, en vue du grand coup, des munitions sur des emplacements simplement jalonnés. Le 24, les positions sont armées. Le 25, alors qu'aucun coup de canon n'a pu révéler à l'ennemi une pareille concentration de moyens, l'ordre d'attaque parvient aux exécutants. L'armée franco-américaine, sur un front de 70 kilomètres, de la Suippe à la Meuse, bondira le 26, à 5h25, après une préparation d'artillerie de six heures et demie.

Et, le 26, l'ennemi complètement surpris, attaqué par une infanterie plus mordante que jamais, toujours confiante dans son artillerie, recule, poursuivi par la 43e division jusqu'au point fixé par l'ordre d'attaque, et laissant en fin de journée 2.000 prisonniers entre nos mains. L'allant du 12e ne le cède en rien à celui de l'infanterie. A l'instant précis fixé par les plus optimistes prévisions, les batteries, superbement, s'engagent immédiatement derrière elle, talonnant l'ennemi au mépris des feux de flanc des mitrailleuses, n'attendant même pas que l'aménagement des pistes soit terminé, manœuvrant sur un terrain qui semble infranchissable, poussées uniquement par le souci d'appuyer pas à pas les assaillants et de leur permettre d'exploiter leur succès. D'ailleurs, les munitions affluent, le personnel des échelons de ravitaillement animé d'une pareille ardeur veut prendre sa part de la défaite infligée à l'adversaire et colle aux batteries. Le mot d'ordre est « en avant » ; qu'importent alors la mitraille et les gaz et les « fantomas » hardis qui mitraillent à 200. mètres d'altitude les colonnes en marche. Le succès enflamme tout le personnel, sections avancées ou batteries entières vont s'installer là où elles peuvent voir la défaite se transformer en déroute. Les glorieux morts tombés depuis quatre ans vont être vengés.

Pendant huit jours, la pression continue avec le même entrain, malgré des pertes sensibles en tués, blessés et intoxiqués. C'est le sous-lieutenant Caillol, dont la bravoure lui avait déjà mérité la Médaille militaire et l'épaulette, qui tombe glorieusement en organisant la liaison avec les premières lignes; c'est le capitaine Bordes, un des plus anciens du 12e qui, très grièvement blessé au cours d'une reconnaissance hardie, cueille sa septième citation ; ce sont les 10 sous-officiers, brigadiers, canonniers tués au cours de ces journées épiques; ce sont les 46 blessés ou intoxiqués graves qui, par leurs sacrifices, attestent la grandeur de l'effort accompli, l'acharnement déployé, et motivent de la nouvelle et quatrième citation du 12e à l'ordre de l'armée :

12e régiment d'artillerie de campagne.

Sous les ordres du lieutenant-colonel Charleux, a fait preuve des plus belles qualités de bravoure et d'endurance au cours des combats qui ont fait tomber entre nos mains les positions formidablement organisées du front de Champagne.

Le 26 septembre 1918, ces positions étant à peine en notre possession, s'est porté rapidement et résolument en avant sur le terrain conquis, traversant, grâce à l'énergie de tous, un sol bouleversé par nos tirs et hérissé d'obstacles presque infranchissables; a pris position au plus près de son infanterie, malgré les feux de flanc de mitrailleuses ennemies qui résistaient encore à moins de 1.000 mètres de ses batteries, et a assuré à l'infanterie tout l'appui moral et matériel que peut lui donner une artillerie mordante et manœuvrière.

Dans les journés suivantes, a continué à manifester son audace et son entrain dans les changements de position successifs par lesquels il a accompagné, sur un eprofondeur de plus de 12 kilomètres, l'avance victorieuse de l'infanterie.

Cette nouvelle distinction attribuait en même temps aux artilleurs du 12e le droit de la fourragère aux couleurs de la Médaille militaire (1).

* * *

Le grand succès de Champagne n'avait pas été isolé; succès aussi la bataille du Cambresis, commencée le 27 septembre; succès aussi la bataille des Flandres engagée le 28; finalement, entre le 10 et le 20 octobre, la retraite de l'ennemi est générale sur tout le front de la mer à la Meuse.

Encore un gros effort et cette retraite se transformera en défaite. Aussi le maréchal Foch ordonne-t-il de poursuivre l'offensive générale.

Les troupes sont fatiguées mais les ennemis sont épuisés; les effectifs sont réduits, ceux de l'ennemi les ont davantage.

Alors avec un enthousiasme toujours grandissant, chacun accepte de se passer de repos, retourne à la bataille le cœur joyeux, l'âme résolue.

Le 12e, arrivé au repos le 8 octobre, repart le 17, cantonne chaque soir, bivouaque plutôt, dans des villages ruinés et après quatre jours de marches pénibles, prend position dans la région de Lor en vue de l'attaque projetée en direction de Château-Porcien. Et le 25, à 7 heures, après une préparation d'artillerie courte mais effroyable, l'infanterie se porte en avant sus à la position « Hunding », manifeste une aussi brillante ardeur, une même volonté qu'un mois auparavant, mais ne parvient pas aussi aisément à rompre le front, malgré l'appui constant et efficace de son fidèle 12e. La lutte devra se poursuivre sanglante et acharnée pendant huit jours, marquant des progrès lents mais continus et provoquant enfin, le 4 novembre au soir, un repli général de l'ennemi au moment même où, épuisées par tant d'efforts, les troupes de la 43e division seront relevées et mises au repos.

Mais le tribut de cette dernière bataille a été lourd pour le régiment. Deux d'entre ses plus vaillants officiers, le lieutenant Mirel, qui avait fait toute la campagne avec lui, le sous-lieutenant Bayon, un jeune venu au 12e mais qui s'était fait remarquer pendant tous les combats de 1918, veulent, malgré la fièvre et l'épuisement, rester à leur poste le jour de la bataille, sont évacués malgré eux le 25 octobre et meurent quatre jours après, terrassés par le nouvel allié du Boche, la terrible grippe de 1918; deux sous-officiers et 9 brigadiers ou canonniers sont glorieusement tués à leurs postes, le régiment compte en outre 30 blessés, dont 1 officier (1) très grièvement atteint, et 16 intoxiqués graves.

Le 6 novembre, c'en est fini. La résistance des Allemands est brisée. Ils battent en retraite sur tout le front de l'Escaut à la Meuse. Le haut commandement allemand comprend que le moindre échec nouveau peut entrainer pour la nation un désastre militaire complet. C'est pour éviter ce désastre, pour pouvoir ramener sur le sol allemand ses armées en apparence intactes et proclamer qu'elles n'avaient jamais été battues, que le Gouvernement allemand se hâte de demander l'armistice et le 11 novembre de le signer en acceptant les conditions les plus dures.

Ce jour-là, l'Allemagne a vraiment capitulé. Elle nous a reconnu tous les droits du vainqueur.

C'est la victoire.

Et le maréchal Foch peut adresser le témoignage de reconnaissance du monde aux soldats des armées alliées, dans l'historique ordre du jour suivant : Officiers, sous-officiers, soldats des armées alliées.

Après avoir résolument arrêté l'ennemi, vous l'avez pendant des mois, avec une foi et une énergie inlassables, attaqué sans répit.

Vous avez gagné la plus grande bataille de l'Histoire et sauvé la cause la plus sacrée : la liberté du monde.

Soyez fiers.

D'une gloire immortelle vous avez paré vos drapeaux.

La postérité vous garde sa reconnaissance.

Signé : FOCH.

Le 6 novembre, c'en est fini. La résistance des Allemands est brisée. Ils battent en retraite sur tout le front de l'Escaut à la Meuse. Le haut commandement allemand comprend que le moindre échec nouveau peut entrainer pour la nation un désastre militaire complet. C'est pour éviter ce désastre, pour pouvoir ramener sur le sol allemand ses armées en apparence intactes et proclamer qu'elles n'avaient jamais été battues, que le Gouvernement allemand se hâte de demander l'armistice et le 11 novembre de le signer en acceptant les conditions les plus dures.

Ce jour-là, l'Allemagne a vraiment capitulé. Elle nous a reconnu tous les droits du vainqueur.

C'est la victoire.

Et le maréchal Foch peut adresser le témoignage de reconnaissance du monde aux soldats des armées alliées, dans l'historique ordre du jour suivant : Officiers, sous-officiers, soldats des armées alliées.

Après avoir résolument arrêté l'ennemi, vous l'avez pendant des mois, avec une foi et une énergie inlassables, attaqué sans répit.

Vous avez gagné la plus grande bataille de l'Histoire et sauvé la cause la plus sacrée : la liberté du monde.

Soyez fiers.

D'une gloire immortelle vous avez paré vos drapeaux.

La postérité vous garde sa reconnaissance.

Signé : FOCH.