L’annonce d’un prochain débarquement allié, même si le lieu en est encore inconnu, est le signal de soulèvement pour de nombreux maquis et mouvements de résistance, soulèvement qui prend une grande ampleur à partir du 6 juin. La mission de la Résistance est alors de ralentir l’acheminement vers le front de Normandie des divisions allemandes stationnées dans le reste du pays : les sabotages, les déraillements, les attentats se multiplient, entretenant chez l’occupant un climat d’insécurité qui se traduit par une répression de plus en plus sauvage : en mars face au maquis du plateau des Glières, le 2 avril à Ascq, où quatre-vingt-six habitants sont exécutes après un attentat contre un train militaire, le 9 juin, à Tulle où les Allemands pendent quatre-vingt-dix-neuf otages, à Oradour-sur-Glane, où six-cent-trente-quatre habitants sont fusillés où brûlés vifs dans l’église, en juin contre le maquis du Mont Mouchet, en juillet contre celui du Vercors.
Le soulèvement du Sud-Ouest
Dans le Sud-Ouest, cette insurrection revêt une importance particulière. Il faut tout d’abord ralentir les mouvements des unités allemandes de la région pour les empecher de rejoindre le front de Normandie, ou le Sud-est et la vallée du Rhône, où progresse la Ière Armée du général de Lattre de Tassigny, débarquée en Provence depuis le 15 août. Il faut aussi éviter le destruction des ports de Bordeaux et de La Pallice, seuls ports intacts sur l’Atlantique, que les Allemands ne manqueraient pas de détruire s’ils venaient à quitter la région, ce qui devient probable à partir du mois de juillet.
Le 21 août les Allemands débutent leur repli vers le nord. Le colonel Adeline, commandant les maquis de l’Armée Secrète dans la région, décide de lancer à leur poursuite 2.500 hommes des maquis de Dordogne : une colonne F.T.P. (Demorny) doit remonter par la rive nord de la Dordogne, deux colonnes A.S. doivent progresser entre la Dordogne et la Garonne : la colonne Driant aux ordres du colonel Druihle, au sud, la colonne Z aux ordres du capitaine Moressée au nord. Après avoir quelques jours assuré la défense de Bordeaux à la fin du mois août, la colonne Z est désignée pour participer aux opérations de réduction des poches de résistance allemande en Charente-Maritime. Renforcée d’éléments des maquis de Dordogne (groupe Alberte, de Sarlat, groupe Santrailles, de Bergerac, groupe Martin, de Gardonne, groupe Alex, des Landes), elle quitte Bordeaux le 5 septembre pour Royan, où elle tient le sous-secteur le plus au sud du dispositif français.
Face aux 8.000 Français, le commandement allemand dispose de 5.000 combattants. Certains sont affectés depuis longtemps à la 708e Division de forteresse, d’autres proviennent d’équipages de bateaux coulés ou désarmés, ou d’unités en retraite. Le commandement réorganise ses éléments disparates pour en faire des unités homogènes. En quelques semaines il dispose de :
- 17 compagnies d’infanterie,
- 14 batteries d’artillerie (côtière, antichar et de campagne),
- 4 batteries de D.C.A.,
- une cinquantaine d’équipes de bombes-fusées,
- une compagnie de génie de pose de mines.
Les Allemands possèdent un armement puissant et nombreux (plus d’une centaine de pièces d’artillerie de tous types, d’un calibre supérieur à 75 mm). Les ouvrages sont solidement fortifiés et disposent de réserves permettant d’envisager un siège de plusieurs mois.
La création du nouveau 12e R.A.
Le 18 septembre, le général De Gaulle et André Diethelm, son ministre des Armées, prennent à Saintes un certain nombre de mesures visant à régulariser la situation des groupes de résistants. A Gémozac (vingt kilomètres au sud de Saintes), le général De Gaulle, sur proposition du colonel Adeline, demande au lieutenant-colonel Moressée, officier d’artillerie belge, d’étudier la possibilité de transformer le régiment Z en régiment d’artillerie, dans un délai de trois mois.
Au cours des mois, le dispositif français s’étoffe avec l’arrivée de nouvelles unités, portant à plus de 10.000 l’effectif. Mi-décembre, la 1ère Division Française Libre du général Garbay débarque dans la région de Saintes, Cognac et Saint-Jean-d’Angély, pour accentuer la pression sur les Allemands, mais la contre-offensive surprise de von Rundstedt en Belgique le 16 décembre oblige le commandement à rappeler la Division en Alsace. Après le tragique bombardement de Royan, le 5 janvier, de nouveaux renforts arrivent : le Bataillon de Marche n° 2 (B.M. 2), formé en Oubangui-Chari, qui a combattu à Bir-Hakeim, le 1er bataillon du 150e R.I. formé par les F.F.I. de la région de Nancy, le Bataillon de Marche n° 5 (B.M.A. 5), formé de combattants des Antilles, le 6e Bataillon de tirailleurs nord-africains. Le régiment Z est retiré du front le 31 janvier pour achever sa transformation en régiment d’artillerie et ébaucher la création d’un régiment de cavalerie.
Le 1er février, le régiment Z est officiellement dissous. Le 11, une décision ministérielle entérine la création de la 23e Division d’Infanterie et attribue aux unités des numéros :
- 6e R.I. : groupement Bir-Hacheim (maquis de la région Angoulême, La Rochefoucauld, Ruffec)
groupement Foch (maquis de la région de Confolens)
éléments du régiment Z
- 50e R.I. : groupement Rac et groupement Roland (maquis de Dordogne)
- 158e R.I. : demi-brigade Armagnac (maquis du Gers)
- 12e R.A. : régiment Z (maquis de Dordogne)
- 18e Chasseurs : escadron de choc Urbain (issu du régiment Z) et groupe d’escadrons Klein (maquis de la Pointe de Grave)
Le 12e Régiment d’artillerie adopte l’organisation suivante :
chef de corps : lieutenant-colonel Moressée
adjoint : lieutenant-colonel Fulda,
état-major : chef d’escadron Lavelle, chef d’escadron Pichot, capitaine Dessaint.
I/12
commandant de Groupe : chef d’escadron Baratte
adjoints : capitaine Taba, sous-lieutenant Masmontet
1ère batterie : capitaine Pechmajou
2e batterie : lieutenant Fabre
3e batterie : sous-lieutenant Gourbeault
chaque batterie est dotée de 4 canons de 75 PAK 40 allemands et 2 canons de 75 Mle 97.
II/12
commandant de Groupe : capitaine Scoupe
adjoints : sous-lieutenant Duha, sous-lieutenant Bacle
4e batterie : lieutenant Orge
5e batterie : lieutenant Desbarats
6e batterie : capitaine Perrier
chaque batterie est dotée de 4 canons de 75 PAK 40 allemands.
III/12
commandant de Groupe : chef d’escadron Béguier
adjoint : capitaine Jollet
7e batterie : capitaine Gin
8e batterie : capitaine Angéli
9e batterie : lieutenant Clerc
deux batteries sont dotées de canons de 75 Mle 97, une batterie est dotée de canons de 105 court Mle 35
IV/12
commandant de Groupe : chef d’escadron Moreau de Saint-Martin
adjoint : Sous-lieutenant Descambres
Le IV/12 est en attente de canons de 155.
Le lieutenant Muratelle, rattaché à l’état-major du Régiment, commande l’aviation d’observation, qui comprend un Fieseler Storch allemand et un Caudron 275 “ Luciole ”.
Chaque Groupe est indépendant, le lieutenant-colonel Moressée porte le titre de commandant du 12e Régiment d’artillerie du 1er février au 8 mai 1945.
Pour les combats de Royan deux groupes de lance-bombes-fusées sont formés, aux ordres du colonel Menuel, avec des matériels allemands.
Un service médical est constitué : le capitaine-médecin Nieman est assisté de madame Moressée, infirmière et de plusieurs ambulancières : mademoiselle de Raucourt, mademoiselle Lyon, mademoiselle de Crissey, mademoiselle Morton, mademoiselle Blanchard et madame Gadala, qui a fait don au Régiment d’une ambulance équipée.
Le I/12 dans les combats de La Rochelle
Le colonel Granger a formé dans la région de Saint-Jean-d’Angély, une réserve mobile pour intervenir sur Rochelle ou Royan, et qui depuis début février s’est mise en place dans la région de Courçon et Mauzé, de façon à pouvoir contre-attaquer l’ennemi de flanc s’il tente une sortie vers l’intérieur des terres. En effet, depuis début novembre, les Allemands ont lancé plusieurs raids, qualifiés de “ raids alimentaires ”, car ils visent à s’emparer des approvisionnements et d’animaux dans les localités voisines : le 4 novembre sur Ballon (dix kilomètres au sud d’Aigrefeuille d’Aunis, entre La Rochelle et Surgères), le 25 sur Marans (vingt kilomètres au nord-est de La Rochelle) et Aigrefeuille (quinze kilomètres à l’ouest de Surgères), le 15 décembre dans le secteur du Gué d’Alleré et de Bouhet (15 kilomètres au nord-ouest de Surgères). A chaque attaque, les troupes françaises se replient en combattant et les villages sont pillés. Le 15 janvier, ils attaquent en force (deux bataillons) la région sud de Marans. Deux compagnies du 93e R.I. (F.F.I. de Vendée) gênées dans leur repli par les inondations, sont capturées. Le 20, les hommes du colonel Weyrauchter, enhardi par ce succès, tentent de renouveler leur attaque sur Marans, mais doivent se replier face au régiment Foch (F.F.I. de Charente) qui leur cause de très lourdes pertes. Pendant plus d’un mois, l’audacieux colonel Weyrauchter ne tente aucune sortie.
Le 19 février, le I/12, premier formé et opérationnel depuis la fin du mois de janvier, quitte Mortagne-sur-Gironde (environ trente kilomètres au sud-est de Royan), embarque à Gémozac pour rejoindre par voie ferrée le front de La Rochelle. Le Groupe débarque à Mauzé-le-Mignon (environ quarante kilomètres à l’est de La Rochelle, entre Niort et Surgères) et se rassemble à Courçon (dix kilomètres au nord-ouest). Le 22, rattaché à la réserve mobile, il occupe ses positions dans la région de Ferrières (une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Mauzé) avec mission de battre le canal du Curé entre Nuaillé d’Aunis (vingt-cinq kilomètres au nord-est de La Rochelle) et Virson (quatre kilomètres au nord-est d’Aigrefeuille). Le 28, les batteries sont prêtes à entrer en action, les renseignements signalent un regain d’activité chez les Allemands, qui préparent sans doute une nouvelle série de raids, voire une sortie en force.
Le 1er mars, à 6h25, l’ennemi, débordant Ferrières par le nord, attaque vers Saint-Jean-de-Liversay. La 1ère batterie se déplace vers une position plus favorable au sud-ouest de Courçon et ouvre le feu autour de Saint-Sauveur-d’Aunis (deux kilomètres au sud-ouest de Ferrières), bientôt rejointe par les 2e et 3e batteries. A 11 heures, le colonel Granger déclenche une contre-attaque de flanc du 4e Zouaves et du 1er Spahis sur l’axe Courçon - Luché (environ six kilomètres à l’ouest de Courçon, entre Saint-Sauveur et Saint-Jean-de-Liversay)., appuyés par les chars et l’artillerie. Les Allemands doivent se replier en désordre sur Nuaillé, poursuivi par les tir des 2e et 3e batteries qui reprennent les positions qu’elles occupaient le matin.
Cette action d’éclat vaut au Ier Groupe une citation à l’ordre de la Division :
“ Le 1er Groupe du 12e Régiment d’artillerie, sous le commandement du chef d’escadron Baratte, chef animé des plus grandes vertus militaires, a été soumis à une instruction et à un entraînement intensif et précipitamment engagé le 20 février 1945 sur le front de La Rochelle. Le 1er mars, au cours d’une attaque allemande, menacé d’encerclement dans la position avancée de Ferrières, a décroché par échelon sous un violent bombardement, en ne cessant d’appuyer l’infanterie de feux puissants qui arrêtèrent l’avance allemande et en aidant au dégagement des éléments encerclés dans Saint-Sauveur. Puis participant à la contre-attaque du 4e Zouaves, a, par ses tirs instantanés et précis, contribué à refouler l’ennemi au-delà des ses positions de départ.
Magnifique unité d’esprit enthousiaste, de grande capacité manœuvrière, ayant rivalisé d’ardeur avec l’infanterie qu’elle appuyait. ”
Le 10 mars la 1ère batterie se met en position à Marlonges (dix kilomètres à l’ouest de Surgères) pour appuyer une attaque contre Aigrefeuille, le reste du Groupe restant stationné dans la région de Mauzé.
Le 2 avril, le lieutenant-colonel Fulda, représentant le lieutenant-colonel Moressée, reçoit au cours d’une cérémonie à Paris, l’étendard du Régiment, qui est confié au I/12.
La réduction de la poche de Royan : opération “ VENERABLE ”
Le 18 septembre 1944, lors de sa visite à Saintes, le général De Gaulle demande que la réduction des poches de résistance allemande commence par Royan et la pointe de Grave, afin de libérer au plus tôt Bordeaux. Le général de Larminat qui prend le commandement des forces françaises dans la région à partir du mois d’octobre, prévoit l’attaque pour le début du mois de janvier 1945. La contre-offensive de von Rundstedt en Belgique empêche de libérer du front de l’Est les forces militaires nécessaires et les F.F.I., transformés au cours des mois en régiments réguliers, doivent mener seuls attaque.
Le général de Larminat dissout les Forces Françaises du Sud-Ouest, qu’il transforme en deux grandes unités : la division “ Gironde ” et la brigade “ Oléron ”.
La division “ Gironde ”, aux ordres du général d’Anselme, est chargée de l’action principale contre les organisations de Royan. Elle comprend un Groupement Nord, aux ordres du général Granger, qui doit progresser sur l’axe Médis (cinq kilomètres au nord-est de Royan) - Royan et un Groupement Sud, aux ordres du général Adeline, organisé en deux sous-groupements : le Sous-groupement du lieutenant-colonel Faulconnier sur l’axe Les Brandes (cinq kilomètres à l’est de Royan) - pointe des Vallières (sud-est de Royan) et le Sous-groupement du lieutenant-colonel Frugier, qui doit opérer sur l’axe Meschers (quinze kilomètres au sud-est de Royan, entre Saint-Georges-de-Didonne et Talmont) - Suzac (trois kilomètres au sud-est de Saint-Georges-de-Didonne). Le III/12 (chef d’escadron Béguier) forme l’artillerie du “ Sous-groupement Frugier ”.
La division “ Gironde ” dispose aussi d’éléments de réserve et d’une artillerie lourde.
La brigade “ Oléron ”, aux ordres du général Marchand, doit débarquer sur la rive sud de la Seudre. Le I/12 forme l’artillerie de cette brigade.
L’ensemble ses forces terrestres est appuyé par une force navale, aux ordres de l’amiral Rue, qui a pour mission de neutraliser les batteries d’artillerie côtière de Royan et de la pointe de Grave et des forces aériennes alliées qui doivent avant l’attaque détruire les ouvrages allemands, neutraliser l’artillerie pendant l’attaque et empêcher les mouvements de troupes dans le secteur La Rochelle, Oléron, Royan, pointe de Grave.
Le 10 avril, le I/12 quitte Saint-Germain-de-Marencennes (sud-ouest de Surgères), où il s’est regroupé le 24 mars et gagne sa position au sud de Marennes (vingt kilomètres au sud-ouest de Rochefort), où il est rejoint dans la journée par le II/2, parti le matin de la région de Cozes (quinze kilomètres au sud-est de Royan). Les deux Groupes prennent position face au sud, pour appuyer le débarquement de la brigade “ Oléron ” au sud de la Seudre, sur la presqu’île d’Arvert. Le III/12 est déployé dans les lisières ouest d’Arces (quinze kilomètres au sud-est de Royan, entre Cozes et Talmont), face à l’ouest pour appuyer l’attaque du Sous-groupement Frugier.
L’opération “ VENERABLE ” doit se dérouler en trois phases :
La première, déclenchée le 14, doit permettre la conquête d’une série d’avant-postes situés à l’est et au nord-est de Royan, qui serviront de base d’assaut pour la réduction de la ville.
La deuxième, qui doit être déclenchée le 15, est la réduction de la poche.
La troisième, qui est prévue débutée le 17, est le nettoyage de la presqu’île d’Arvert, mission qui incombe en partie à la brigade “ Oléron ”.
1) Première phase : 14 avril
Après une préparation d’artillerie de quinze minutes, l’attaque est déclenchée à 6h35.
La progression du Groupement Nord est rapide : à 9h30, le III/4e Zouaves occupe Médis, à 10h45 le 6e Bataillon de Tirailleurs nord-africains se rend maître de ses objectifs et à 12h30, une attaque du I/50e R.I., appuyée par les chars, permet d’occuper Brie (cinq kilomètres au nord de Royan). Le Groupement a fait plus de cent-dix prisonniers et perdu trente-et-un hommes.
Le Groupement Sud progresse lui aussi très rapidement. Le III/12, par ses tirs précis et puissants sur Sémussac (cinq kilomètres au nord ouest de Cozes), Meschers (cinq kilomètres au sud-est de Saint-Georges-de-Didonne) et Le Berceau (trois kilomètres au nord de Meschers, entre Sémussac et Meschers) permet au I/150e R.I., appuyé par les chars du 13e Dragons, de surprendre l’ennemi par une attaque de flanc et de se rendre maître du village à 7h30. A 11h30, le Bataillon de Bigorre a pris Trignac, La Valade (cinq kilomètres à l’ouest de Saint-Georges-de-Didonne) et Les Brandes. Au même moment, le Bataillon Foch a enlevé Musson (cinq kilomètres à l’est de Royan). Le colonel Adeline décide d’exploiter ce succès en occupant le secteur de Meschers. A 12h30, il lance le 107e R.I., l’escadron de chars du 13e Dragons, le III/12, renforcés par deux escadrons de chars moyens du 12e R.C.A. à l’attaque. A 18h30, les objectifs sont atteints, le Groupement Sud a fait plus de cent-cinquante prisonniers et perdu treize hommes.
Dans la soirée, les troupes se mettent en place pour la deuxième phase pendant que les unités de reconnaissance essaient de préparer un itinéraire entre les champs de mines allemands.
De leur coté, le Ier et le IIe Groupes ont effectué plusieurs tir au sud de la Seudre contre les positions allemandes de la presqu’île d’Arvert.
2) Deuxième phase : 15 avril
La matinée est consacrée à une formidable préparation par l’aviation : plus de 1.300 avions vont larguer plus de trois mille tonnes de bombes sur les positions allemandes. Dans la fin de la matinée, cette préparation est complétée par une préparation d’artillerie contre les champs de mines pour créer les brèches nécessaires. Après quarante minute de bombardement, l’attaque est déclenchée, à 13h30.
Le Groupement Nord a été scindé en deux détachements : un détachement Nord, aux ordres du lieutenant-colonel Rouvillois (commandant le 12e Régiment de Cuirassiers.) qui doit progresser sur l’axe Pousseau (deux kilomètres au nord de Royan, à l’ouest de Médis), Royan ; et un détachement Sud, aux ordres du colonel Roy, qui doit progresser sur l’axe Médis-Royan. Le détachement Roy connaît une progression extrêmement difficile : les Zouaves sont pris à partie par les armes loures de l’ouvrage de Belmont, puis doivent déminer sous le feu ennemi pour frayer un passage aux chars. Le détachement Rouvillois subit les mêmes contraintes et la réduction des ouvrages allemandes est longue et pénible. A 16h30, les ouvrages sont conquis et les chars du 12e Cuirs peuvent reprendre leur mouvement : ils atteignent en fin d’après-midi, et la mer dans la soirée. Les deux détachements peuvent opérer leur jonction à 23h30, à Saint-Pierre-de-Royan.
Au Groupement Sud, le Sous-groupement Faulconnier attaque sur l’axe Didonne - Les Brandes - la pointe de Vallières (sur la cote, à l’ouest de Saint-Georges), le Sous-groupement Frugier progressant sur l’axe Meschers - Suzac (sur la cote, au sud-est de Saint-Georges). Le B.M. 2 et le B.M.A. 5 progressent rapidement malgré la forte résistance allemande. A 15h20, Didonne est dépassé. Le B.M. 2 se heurte aux ouvrages d’Enlias, qui ne sont réduits qu’après une intervention en force de l’artillerie et des chars, qui doivent de nouveau entrer en action pour soutenir le B.M.A. 5, immobilisé devant Saint-Georges-de-Didonne, qui est finalement relayé par le Bataillon de Bigorre. Dans la soirée, le Sous-groupement établit la liaison avec les éléments du 4e Zouaves. Le Sous-groupement Frugier, appuyé par le III/12, qui a avancé ses positions jusqu’à Bardécilles (cinq kilomètres à l’ouest de Cozes), progresse rapidement : à 14h30, le 107e R.I. s’est emparé du Compin (deux kilomètres au nord-ouest de Meschers), à 17h00, il est maître du Berceau et de la pointe de Suzac. En fin d’après-midi il rejoint le B.M.A. 5 à Didonne.
La vitesse de progression des deux groupements incite le général de Larminat à entreprendre dès le 16 la troisième phase.
3) Troisième phase : 16 avril
La division “ Gironde ” a pour mission de réduire les dernières positions allemandes qui verrouillent l’accès à la presqu’île d’Arvert, puis de reprendre la progression en direction de la pointe de la Coubre (extrémité sud-ouest de la presqu’île).
La brigade “ Oléron ” doit débarquer dans la presqu’île, au nord-est d’Etaules (douze kilomètres au nord-ouest de Royan) et à La Tremblade (face à Marennes, au nord-ouest de la presqu’île).
Le général d’Anselme constitue deux groupements : un Groupement Ouest, aux ordres du lieutenant-colonel Rouvillois, chargé d’exploiter sur l’axe Vaux (trois kilomètres au nord-ouest de Royan), Saint-Augustin (dix kilomètres au nord-ouest de Royan), Les Mathes (quatre kilomètres au sud-ouest d’Etaules) ; et un Groupement Est, aux ordres du lieutenant-colonel Verdier (2e D.B.), qui a pour mission de percer le dispositif allemand à Fontbedeau (cinq kilomètres au nord de Royan) et de progresse sur l’axe Etaules - La Tremblade pour établir la liaison avec la brigade “ Oléron ”. Les Groupements Nord et Sud doivent nettoyer le secteur de Royan et Saint-Georges.
L’attaque est déclenchée à 6h30. Le Groupement Rouvillois progresse très vite : Vaux est occupé à 10h30, Saint-Augustin à midi et Les Mathes à 13 heures. Pendant que le Groupement s’installe à Etaules, le II/4e Zouaves réduit les dernières résistances isolées, entre Vaux et Jaffe (trois kilomètres au nord-ouest de Vaux). Après s’être heurté à une forte position ennemie à Fontbedeau, le Groupement Verdier, grâce à l’audace des Spahis, parvient à percer le dispositif allemand et, à faire la jonction avec le 12e Cuirs à Etaules vers 19 heures, puis à La Tremblade à 21 heures avec le 158e R.I., et enfin à Ronce-les-Bains (quatre kilomètres au nord de La Tremblade) avec le Groupe Franc Marin.
Le III/4e Zouaves nettoie la zone Royan-Pontaillac (ouest de Royan), pendant que le reste du Groupement Nord, qui devait reprendre la progression vers l’ouest pour conserver la liaison avec le Groupement Verdier, butte sur la poche de résistance groupée autour de l’ouvrage de Jaffe. Il faut un bombardement massif de l’aviation américaine, pour que le II/131e R.I. , appuyé par un escadron de chars du 12e Cuirs et un escadron de T.D. du R.B.F.M. puisse réduire l’ouvrage et établir le contact avec le Groupement Est à Saint-Sulpice-de-Royan (cinq kilomètres au nord de Royan).
Le Groupement Sud est chargé de nettoyer le secteur situé entre Saint-Georges et Royan. Hormis une forte résistance allemande que rencontre le Bataillon de Bigorre à la pointe de Vallières, et qu’une habile manœuvre de débordement permet de réduire, le Groupement progresse très rapidement. Le III/12, en position à Didonne, ne dispose pas de renseignements assez précis sur le dispositif ennemi et sur les positions amies pour intervenir efficacement.
Le général Marchand a formé deux groupements au sein de la brigade “ Oléron ”. Le Groupement Nord, aux ordres du lieutenant-colonel Monnet (commandant le 158e R.I.) doit franchir la Seudre et débarquer dans le secteur de La Tremblade. Le Groupement Sud, aux ordres du lieutenant-colonel Cézard (commandant le 50e R.I.) doit débarquer au nord-est d’Etaules. La brigade est fortement renforcée en artillerie : trois groupes de 75, un groupe de 105 et un groupe de 155 court de la division “ Gironde ”, auxquels il faut ajouter un groupe de 155 court, un groupe de 203 de l’artillerie américaine et deux groupes de 90 des Canonniers Marins.
Le franchissement de la Seudre débute le 16, à 6h30, après une préparation d’artillerie à laquelle participe le I/12 et le II/12. Le commando Fournier, après la réduction de quelques points de résistance, progresse sans grande difficulté vers Ronce-les-Bains. Les commandos Capin, Gacoin et Fressy (158e R.I.) débarquent au nord-est de La Tremblade, qui est occupé sans difficulté à 10 heures. En début d’après-midi, le lieutenant-colonel Monnet fait intervenir le I/12 et le II/12, pour permettre le franchissement du II/158, qui vers 14h30, toujours appuyé par les deux Groupes, enlève Ronce-les-Bains. Les IIe et IIIe bataillons du 50e R.I. débarquent à 7h30 aux Grandes Roches (trois kilomètres au nord-est d’Etaules) et en début d’après-midi tiennent une tête de pont autour d’Etaules et de Chaillevette (trois kilomètres à l’est d’Etaules).
Le 17,à l’aube, l’aviation et l’artillerie assomment d’obus les derniers îlots de résistance allemands : pointe et foret de la Coubre, forets de la Palmyre (quinze kilomètres au nord-ouest de Royan) et de Saint-Augustin (dix kilomètres au nord-ouest de Royan). A midi, le III/4e Zouaves (groupement Nord de la division “ Gironde ”) s’empare du blockhaus de Pontaillac où sont réfugiés l’amiral Michahelles (commandant le secteur de Royan) et son état-major. Cette capture permet au général d’Anselme d’engager les négociations en vue d’une reddition sans poursuivre les opérations de nettoyage de la presqu’île. L’artillerie devient alors plus un outil de pression visant à imposer les conditions de reddition, qu’un appui des troupes au contact, en grande partie inutile dans ces combats.
Le 18 avril, à l’aube, les conditions françaises sont acceptées et plus de 800 Allemands se rendent.
La conquête de l’île d’Oléron : opération “ JUPITER ”
L’île d’Oléron possède un intérêt militaire certain pour les Allemands : elle permet de contrôler l’estuaire de la Gironde, la passe de La Rochelle et d’appuyer la zone de Royan. 1.500 hommes, aux ordres du capitaine de corvette Schaffner, défendent l’île : troupes d’ouvrages, plusieurs compagnie de réserve, stationnées autour de Saint-Pierre-d’Oléron et une unité d’artillerie italienne servant une quarantaine de pièces de calibre supérieur à 75 mm.
Le choix du site de débarquement se porte sur les plages du sud de l’île (Saint-Trojan et pointe de Gatseau), selon plusieurs critères : traversée courte, possibilité d’appui de l’artillerie en préparation et au moment du débarquement et quasi impossibilité de réaction de l’artillerie allemande de La Rochelle.
Le général Marchand prend le commandement de la Division chargée de l’attaque, qu’il organise en deux Groupements. Le Groupement Ouest, commandé par le lieutenant-colonel Cézard, est chargé de conquérir une tête de pont au sud de l’île, puis de progresser sur un itinéraire Dolus (cinq kilomètres au sud-est de Saint-Pierre) - Saint-Pierre - Cheray (cinq kilomètres au nord-ouest de Saint-Pierre) - Saint-Denis (pointe nord-est de l’île). Le Groupement Est, aux ordres du lieutenant-colonel Monnet, doit progresser sur la cote est de l’île, entre Saint-Trojan et Boyardville. Un commando, aux ordres du capitaine de corvette Fournier (Groupe Franc Marin) doit débarquer sur la cote ouest et harceler l’ennemi sur ses arrières. La Division dispose d’une importante réserve et d’une artillerie lourde. Après une intense préparation d’artillerie, les premiers éléments du Bataillon de Fusiliers Marins et du II/50e R.I. débarquent et s’emparent d’une tête de pont qui permet de faire rapidement débarquer le reste du Groupement Cézard et les éléments de tête du Groupement Monnet. Malgré quelques incidents techniques, le I/12 met sur pied une batterie (une section de la 1ère , une de la 2e batterie) qui débarque sur l’île et, en position au nord de Saint-Trojan, appuie la progression des fantassins et des chars. Le 1er mai, ses tirs puissants et précis permettent aux fantassins de faire plier les poches de résistance allemande autour des champs de mines des Allassins (côte ouest). La rapidité et la violence de l’attaque française ont gravement ébranlé la confiance des défenseurs allemands, déjà bien malmenée par le harcèlement que font subir les F.F.I. de l’île (capitaine Leclerc). Le débarquement du commando Fournier, reporté en raison de l’état de la mer, intervient dans la nuit, sur la côte est à la pointe de la Perrotine (sud de Boyardville). A 10 heures, le commando occupe Dolus, puis la Cotinière (sur la côte ouest, à trois kilomètres au sud-ouest de Saint-Pierre) et Saint-Georges en début d’après-midi, où appuyé par deux pelotons du 18e Chasseurs, il capture le commandant de l’île et son état-major. En fin d’après-midi, une pièce appuie l’attaque des derniers blockhaus de Boyardville.
La réduction de la poche de La Rochelle : opération “ MOUSQUETAIRE ”
Le général de Larminat confie au général d’Anselme la conduite des opérations contre La Rochelle. Il doit dans un premier temps mener une opération de diversion pour empêcher les forces de La Rochelle d’intervenir au moment du début de l’attaque de l’île d’Oléron, puis mettre en place le dispositif d’investissement de la poche de La Rochelle. Ses forces sont composées de troupes de secteur, d’un groupement d’assaut, aux ordres du lieutenant-colonel Mingasson, de réserves et d’un groupement d’artillerie.
Le III/12, regroupé le 17 avril à Corme-Ecluse (cinq kilomètres au nord-ouest de Cozes) embarque le 24 à Cozes et gagne Mauzé-le-Mignon, puis Courçon, où il s’implante. Le 26, il rejoint une nouvelle zone dans les lisières ouest d’Ardillières (douze kilomètres au sud-ouest de Surgères). Le 30, au moment où l’opération “ Jupiter ” débute, le 13e R.I. lance une attaque de diversion sur l’axe Le Thou (quatre kilomètres au sud-est d’Aigrefeuille) - La Jarrie (cinq kilomètres à l’ouest d’Aigrefeuille), appuyé par le III/12, qui tire plus de neuf-cents obus. Dans l’après-midi, les 7e et 8e batteries s’installent au sud-est de Ciré d’Aunis (dix kilomètres au nord de Rochefort) pour appuyer la progression du 13e R.I., qui s’empare de Thairé (cinq kilomètres au sud-ouest d’Aigrefeuille), malgré la vive réaction de l’artillerie allemande.
Le reste du groupement Mingasson s’implante dans le secteur. Dans la nuit la 9e batterie rejoint le reste du IIIe Groupe sur les positions qui sont prévues pour l’appui du lendemain. Le 1er mai, le Groupe ouvre le feu à 6h30, pour appuyer la progression du 6e R.I. qui par Le Marouillet (cinq kilomètres au sud de Chatelaillon) et Voutron (trois kilomètres au sud de Thairé) rejoint le Groupement Mingasson, sans rencontrer de résistance. Le III/12 se déplace et occupe un nouveau déploiement dans les lisières nord-ouest de Forges (dix kilomètres à l’ouest de Surgères). Le II/12, libéré par la prise de l’île d’Oléron, le rejoint en fin de journée. Le 2, les deux Groupes appuient l’attaque d’Aigrefeuille par le groupement du colonel Chêne (108e R.I. et II/125e R.I.). L’ennemi s’est replié dans la nuit et les fantassins rencontrent peu d’opposition, en dehors de tirs d’artillerie. Les unités de secteur, jusqu’ici en réserve au nord, s’installent sur une ligne entre Nuaillé (vingt kilomètres à l’ouest de Mauzé) et Virson (quatre kilomètres au nord-est d’Aigrefeuille). Le 3, les unités installent leur dispositif tout en continuant de pousser des reconnaissances de plus en plus profondes vers les positions allemandes, que continuent de harceler les tirs d’artillerie. Le 4, la 9e batterie appuie l’attaque du B.M. 2 sur l’axe Virson - Saint-Médard (cinq kilomètres au nord d’Aigrefeuille) et neutralise une batterie allemande, qui en position dans les lisières est de Saint-Médard ralentissait la progression des fantassins. A 10 heures, les troupes françaises ont atteint une ligne Saint-Médard, Cugné (deux kilomètres au sud), Cigogne (ouest du Thou). Les 4e et 6e batteries prennent position à l’ouest du Chiron (deux kilomètres au sud d’Aigrefeuille), la 9e batterie s’installe au sud-est de Saint-Christophe (trois kilomètres au nord d’Aigrefeuille).
Les troupes françaises ne quittent plus ces positions. En effet, le 5 mai, l’amiral Schirlitz, commandant les forces allemandes, s’engage à rendre intacte la forteresse de La Rochelle si les forces françaises ne cherchent pas à entrer en force en ville avant la capitulation générale de l’Allemagne. Les Français se contentent donc de reconnaissances fortement appuyées vers les avant-postes allemands, de moins en moins défendus. Le 6 au soir les Français contrôlent les lisières sud de Chatelaillon, Salles-sur-Mer (cinq kilomètres au nord-est de Chatelaillon), La Jarrie, Clavette (nord de La Jarrie), Bourgneuf (cinq kilomètres au nord de La Jarrie), Sainte-Soulle (deux kilomètres au nord de Bourgneuf), Longèves (cinq kilomètres à l’ouest de Nuaillé), Andilly (sept kilomètres au nord-est de Nuaillé), et le canal de Marans à La Rochelle, à Villedoux. Le II/12 et le III/12 se déploient à Montroy (sud de Bourgneuf) et au sud de Treuil-Arnaudeau (ouest de Bourgneuf). Le 8, une batterie du IIe Groupe entre dans La Rochelle, le IIIe Groupe se replie à Courçon.
Le II/12 reçoit une lettre de félicitations du général d’Anselme :
“ Le général d’Anselme, commandant la division de marche, est heureux d’adresser ses félicitations aux officiers, sous-officiers et canonniers du IIe Groupe du 12e Régiment d’artillerie.
Cette unité placée sous les ordres du capitaine Scoupe, après avoir tenu dans les conditions souvent difficiles le front du secteur de Royan entre Talmont et Meschers, a participé brillamment en avril et mai 1945 aux opérations qui ont abouti à la prise de Royan et de La Rochelle.
Grâce à l’ardeur et au dévouement de tous, elle a pu par sa rapidité d’action et la précision de ses tirs, largement contribuer au succès des opérations. ”.
Le 8 mai, après avoir remis le commandement du Régiment au chef d’escadron Moreau de Saint-Martin, le lieutenant-colonel Moressée remet au général d’Anselme sa démission.
Le II/12 et le III/12 reversent leurs canons de 75 PAK 40 et 75 Mle 97 pour des canons de 75 sur pneus.
Le 1er juin, le Ier Groupe s’installe à Rochefort et le 10 remet l’étendard à la garde du II/12. Le 11, les trois Groupes (I/12, II/12 et III/12) sont transportés dans la région de Poitiers où le général d’Anselme rassemble la 23e D.I. Le I/12 s’installe à Vouillé (quinze kilomètres au nord-ouest de Poitiers), le II/12 à Latillé (vingt kilomètres à l’ouest de Poitiers) et le III/12 à Ligugé (cinq kilomètres au sud de Poitiers).
Le 18 juin, à Paris, le capitaine Scoupe, défile à la tête d’un détachement du Régiment.
En octobre, la Division est désignée pour partir en occupation en Allemagne. Parti de Poitiers le 25, le Régiment arrive le 27 dans le Palatinat et les Groupes gagnent leur cantonnement : le I/12 à Pettersheim (douze kilomètres à l’est de Saint-Wendel), le II/12 à Konken (quinze kilomètres au nord-est de Saint-Wendel) et le III/12 à Wahnwegen (entre Pettersheim et Konken). Le 31 octobre, le IV/12 devient le II/41e R.A.
A la dissolution de la 23e Division, les trois autres groupes sont dissous le 15 novembre 1945. Les personnels sont affectés en majorité aux 65e, 66e et 67e R.A., les personnels de la section d’aviation au 120e Groupe d’observation d’artillerie.